L'action Airbus est en piqué ce matin à la Bourse de Paris : elle perd près de 6% à 81,9 euros. Ce violent décrochage fait suite à la parution d'un article du Monde évoquant l'ouverture d'une enquête à l'encontre de l'avionneur européen par le département de la justice américain (DOJ) pour des soupçons de corruption aux Etats-Unis. Airbus est déjà sous le feu de plusieurs enquêtes anticorruption à Londres et à Paris notamment. Selon Le Monde, le DOJ aurait officiellement engagé des investigations fin 2017 et n'en aurait informé le groupe «qu'à la fin de cet été». Dans son viseur, le rôle joué par des «business partners», des intermédiaires qui ont empoché des commissions se chiffrant au total en centaines de millions d'euros dans plusieurs transactions.
Grand concurrent de l'américain Boeing, Airbus est déjà sous le coup d'investigations du Parquet national financier français (PNF) et de l'organisme anti-fraude britannique (SFO) pour des irrégularités dans des ventes d'avions civils et pour fraude dans un contrat d'avions de combat Eurofighter. Des faits que le groupe présidé par l'allemand Tom Enders a lui-même dénoncés en 2016 aux autorités judiciaires britanniques et françaises. Dans son document financier de 2017, Airbus avait indiqué que les autorités américaines avaient «demandé des informations» sur des éléments de l'enquête SFO-PNF qui pourraient relever de la juridiction des Etats-Unis.
Si une telle enquête de la justice américaine allait au bout, Airbus risquerait potentiellement plusieurs milliards de dollars d’amende, rejoignant la liste des entreprises françaises qui ont déjà eu à subir les foudres du DOJ comme Total, Alstom ou Société générale. Au pire, l’avionneur risque une condamnation pénale aux Etats-Unis, qui pourrait ouvrir la voie à l’exclusion du groupe des marchés publics internationaux pour cinq ans. Mais cette issue, qui serait une véritable bombe atomique pour les affaires d’Airbus, paraît peu probable : les experts parient plutôt sur une transaction avec le DOJ et le paiement d’une lourde amende.
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L’avionneur promet de «coopérer»
Airbus a réagi ce jeudi en indiquant dans un communiqué sa volonté de «coopérer avec les autorités américaines en étroite collaboration». Mais à ce stade, le groupe refuse «de commenter les procédures en cours» et d'en dire plus sur les faits qui lui sont reprochés. L'avionneur se serait en tout cas déjà séparé de plusieurs intermédiaires impliqués dans les transactions visées par la justice. A l'occasion de la publication de ses résultats du troisième trimestre 2017, Airbus avait déjà aussi reconnu «certaines inexactitudes dans les déclarations faites au département d'Etat américain au titre de la partie 130 de la réglementation américaine sur la commercialisation d'armes». Ces constatations ont été «transmises aux autorités américaines compétentes, avec lesquelles Airbus coopère pleinement», avait alors précisé le groupe.
Cette affaire assombrit en tout cas l'horizon du futur PDG d'Airbus, le Français Guillaume Faury, jusque-là président d'Airbus aviation commerciale, qui doit succéder à Tom Enders aux commandes du groupe en avril. Le dirigeant allemand lui avait promis «une transition harmonieuse», mais c'est une tempête judiciaire qui attend Guillaume Faury dans le cockpit.