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Libération
Héritage

Johnny Hallyday, salut les bouquins

L’anniversaire de la mort du chanteur est l’occasion d’une avalanche de parutions, plus ou moins pertinentes, où les batailles autour de son héritage tiennent le haut de la pile.
Lors de l’hommage populaire sur les Champs-Elysées,à Johnny Hallyday, le 5 décembre. (Photo Boris Allin. Hans Lucas)
publié le 25 décembre 2018 à 20h16

Un an sans Johnny ! Enfin pas tout à fait, tant les étagères des librairies fleurissent de livres sur son héritage, ses démêlés fiscaux et ses zizanies familiales… Libération en a épluché quelques-uns.

Procédures

Léna Lutaud, journaliste au

Figaro

(et ancienne de

Libé

) n’est pas dans le registre people, mais sait farfouiller au greffe des tribunaux de commerce ou au registre des hypothèques. On lui doit ainsi cette révélation : Jean-Philippe Smet (alias Johnny) ne possédait ni une, ni deux, mais trois villas sur l’île de Saint-Barthélémy aux Caraïbes. Pour avoir fait longuement parler les avocats des deux bords, son bouquin est précis sur les procédures judiciaires en cours. Avec aussi cet avis éclairé du publicitaire Jacques Séguela, qui ne dit pas toujours n’importe quoi :

«David et Laura ont commis une double erreur stratégique : ils sont partis trop tôt [dans la querelle pour la succession, ndlr] et ont envenimé la situation. Mais ils ont joué le cœur. Pour la justice américaine, cela n’a aucun impact, mais en France, c’est une bonne idée.»

Faisant ainsi écho à Eddy Mitchell :

«Aux Etats-Unis, on a le droit de déshériter ses enfants en faveur de son chat ou son chien. Mais nous ne sommes pas Américains.»

Le livre n'est guère aimable envers Laeticia et ses communicants, «pris la main dans le pot de confiture» : en février, ils font circuler deux communiqués de Jean Réno dans lesquels l'acteur prend clairement position en faveur de la veuve. Problème, le comédien niera les avoir jamais rédigés… On doit également à Léna Lutaud cette autre génèse du différend entre Laeticia, David et Laura : lors de l'adoption de Jade, puis de Joy, les deux aînés du chanteur avaient donné leur bénédiction, fractionnant, de facto, leur futur héritage. Puis mis leur véto à l'adoption d'un troisième orphelin vietnamien. Mais, comme le relève Ils se sont tant aimés, avec la constitution de trusts aux mains de la seule Laeticia, «ce ne sont pas seulement David et Laura qui sont déshérités, mais également Jade et Joy».

Ils se sont tant aimés de Léna Lutaud (Albin Michel), 368 pp., 19,90 €.

Mainmise

Rédigé par un journaliste de

Gala

et une spécialiste des affaires judiciaires,

Main basse sur Johnny

débute sur un constat :

«La veuve du rockeur est devenue la femme la plus détestée de France, cachée quelque part entre Los Angeles et l’île de Saint-Barthélémy, où elle dépense un argent qu’elle n’a pas gagné. L’intrigante est arrivée à ses fins, à savoir soutirer le maximum d’argent à Johnny, au nez et à la barbe de Laura et David, ces pauvres gamins à qui leur père n’a rien laissé.»

Vision abrupte tempérée par un proche du rocker :

«On ne peut pas enlever à Laeticia qu’en luttant sans répit contre ses addictions, elle lui a fait gagner quelques années d’existence supplémentaires. Elle l’a aussi poussé à se stabiliser financièrement. Avant leur mariage, il n’avait que des dettes, ou presque. Là, il laisse quelques maisons et une certaine fortune.»

Quant à la mainmise de la famille Boudou sur le business Hallyday, le principal intéressé, André, le père de Laeticia, campe volontiers le personnage sanguin en racontant, à propos du dernier manager de Johnny, Sébastien Farran :

«Il a toutes les raisons de vouloir m’éloigner de ma fille. Car si je renoue avec elle, il n’existe plus, dehors !»

Main basse sur Johnny de Sébastien Catroux et Armel Mehani (l'Archipel), 240 pp., 18 €.

«Taulière»

Rédigé par deux dirigeants de

Closer

et de M6,

Laeticia, la vraie histoire

n’est pas ouvertement hostile à la veuve, mais contient toutefois cette anecdote savoureuse. Un jour, Johnny veut offrir un appartement parisien à sa fille Laura. Laeticia s’insurge :

«Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Tu vas acheter un appartement à une gamine !»

Le père, prudent, promet à son épouse de ne pas dépasser 150 000 euros, mais en claque discrètement 500 000.

«Johnny a tout simplement bidonné l’acte de vente avec la complicité d’un ancien ministre qui lui a communiqué l’adresse d’un notaire peu sourcilleux»,

pointent benoîtement les auteurs. Sitôt Johnny décédé, Laeticia veillera à supprimer la rente mensuelle de 5 000 euros versée à Laura. Ce n’est pas illégal, juste mesquin.

Un chapitre du livre est aussi consacré au «grand ménage de la taulière» dans l'entourage de son époux. Exit la femme soumise, qui expliquait dans Elle que «l'infidélité de [mon] mari a presque été une chance, j'ai cherché où était ma part de responsabilité». Le producteur Jean-Claude Camus en est la première victime : «C'est une évidence, madame manage tout. Johnny, réveille-toi !», dénonce-t-il en 2011. En son temps, le manager avait dû vendre sa propre maison pour éponger les dettes de son artiste. Il finira par se réconcilier avec la veuve. Le livre pose cette bonne question : «Pourquoi n'est-elle pas partie la nuit où, ivre, sur un bateau, il l'a jeté à l'eau avant que l'équipage ne la récupère transie de froid ? Ce jour-là, Laeticia a tout mis de côté, même sa dignité.» Ce n'est pas une métaphore maritime mais une authentique anecdote, à lire les auteurs. L'épouse finira pourtant par ramasser la mise, à force d'abnégation.

L'ouvrage contient également cette considération sur le nomadisme fiscal du contribuable Jean-Philippe Smet, dans la bouche d'André Boudou, manifestement expert : «J'étais contre la Suisse et l'achat d'un chalet à Gstaad, en 2006. Je lui avais expliqué que cela ne marcherait pas. Johnny devait être naturalisé belge pour aller ensuite s'installer à Monaco : on avait vu ça avec le prince. Fiscalement, c'était le meilleur truc. La Suisse a été une erreur totale, il s'est pris 9 millions d'euros de redressement fiscal.»

Laeticia, la vraie histoire de Laurence Pieau et François Vignolle (Plon), 288 pp., 17,90 €.

Sarkozie

Pilier de

Paris Match,

Benjamin Locoge fut, à ce titre, un compagnon de route du cirque Hallyday pendant des années. D’où ces perles puisées à la meilleure source :

«On m’a toujours pris pour un con. Cela dit, je n’ai jamais rien fait pour prouver le contraire. Au fond, ça m’arrange, car on ne se méfie jamais assez des imbéciles.»

Sylvie Vartan, première épouse attachée au cœur des fans de Johnny, fustige sa «successeure» ?

«Vous pensez voir Boucles d’or, c’est Margaret Thatcher.»

Le chanteur rétorque, flegmatique :

«Je suis très fier et très amoureux de ma petite femme.»

Infidélités passagères mais néanmoins croisées, croit pouvoir affirmer l’auteur. Il nous en raconte une bien bonne, puisée au cœur de la sarkozie, via ce témoignage d’un ancien membre de cabinet :

«Ils nous ont sollicités en permanence. Pour la cousine, la femme de ménage, le visa de la grand-mère, les impôts… Vous n’imaginez pas à quel point nous les avons aidés. Tout ça pour ça… Quand Sarko a perdu l’élection en 2012, Johnny a été le premier à retourner sa veste, alors que le Président avait fait tout ce qu’il pouvait pour répondre à ses demandes les plus incongrues. Combien de fois a-t-il été réveillé en pleine nuit par un Johnny qui s’inquiétait de ses impôts ?»

Plus qu’un monument national, un Etat dans l’Etat… Ce proverbial réfractaire fiscal glissera simplement à l’auteur, de son vivant :

«J’en ai marre de payer, et c’est tout.»

Sur ses deux aînés, sa réflexion est simple :

«Ils ont leur vie. Je leur ai apporté un nom, ils sont à l’abri.»

Certes, mais pourquoi ne pas leur léguer aussi quelques symboles, quelques souvenirs, une guitare, une bagnole, le simple droit d’écouter de futures bandes musicales ? L’auteur ne prétend pas refaire le match, mais prend position en qualifiant les procédures judiciaires initiées par Laura et David d’

«aventure nauséabonde».

La ballade de Johnny et Laeticia de Benjamin Locoge (Fayard), 306 pp., 18 €.

Hommage

Parenthèse musicale et culturelle, Gilles Lhote et Patrick Mahé, deux journalistes de

Télé 7 Jours,

préfèrent retenir le meilleur de l’aventure. Des anecdotes, loin de la guérilla judiciaire. Comme le souhait de se faire enterrer à Saint-Barthélemy, loin du cœur de ses fans.

«Regarde bien ce cimetière marin, il y a tout pour kiffer : la plage avec le spot de surf, j’aurai une vue imprenable sur les vagues et leurs jolies filles. De l’autre côté, si j’ai un petit creux, j’irai me taper un bon vieux cheese chez Jojo Burger. T’vois ce que j’veux dire ?»

Mélangeant textes et images, leur livre-hommage, qui se présente comme tel, revient sur les singulières accointances littéraires ou cinématographiques entre un chanteur populaire et des intellos comme Françoise Sagan, Fabrice Lucchini ou Jean Rochefort. Ou son divorce, sans plus de formalités, avec Michel Sardou qui avait qualifié ses filles adoptives de

«Viêt-cong»

. Il y est aussi question de guitares, de bagnoles. Mais guère d’héritage.

Ni dieu ni diable de Gilles Lhote et Patrick Mahé (Robert Laffont), 320 pp., 24 €.