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analyse

Economie : les indicateurs classiques sont en berne

Malgré les chiffres mis en avant par le pouvoir, les grands marqueurs de l’état de santé de l’économie sont tout sauf rassurants.
Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, à Washington, le 20 avril. (Photo Brendan Smialowski. AFP)
publié le 27 décembre 2018 à 19h26

Si les dirigeants de la majorité s’échinent à brandir une palanquée de chiffres qui vont bien, c’est que les principaux indicateurs macroéconomiques du pays ne valident pas encore les réformes engagées depuis mai 2017. Comme celles du code du travail ou de la fiscalité du capital.

Aléas

Le taux de chômage, par exemple, stagne désespérément. Quasi stable au troisième trimestre 2018, il concerne 9,1 % de la population active. Et selon l’Insee, il ne devrait pas descendre sous les 9 % au printemps 2019. L’objectif de 7 % en fin de quinquennat, fixé par le chef de l’Etat, semble donc compromis. Une prédiction qui reflète le ralentissement économique français.

Certes, les ministres s’enorgueillissent de présenter, au troisième trimestre, un taux de croissance bien supérieur à ses voisins européens : + 0,4 % contre 0 % pour l’Italie, et même - 0,2 % pour l’Allemagne, dont le PIB recule dangereusement. Mais c’est vite oublier qu’au deuxième trimestre, la France affichait, avec l’Italie, le plus mauvais résultat de la zone euro (+ 0,2 % contre + 0,5 % pour l’Allemagne) et que l’Insee vient de revoir sa prévision à la baisse pour le quatrième trimestre (+ 0,2 % au lieu de + 0,4 %). Le taux annuel a, lui, été régulièrement corrigé à la baisse. Alors qu’au printemps, Bercy tablait encore sur 2 %, le gouvernement s’est résolu à l’automne à annoncer 1,7 % puis 1,6 % avant que l’Insee n’anticipe plus que 1,5 % en 2018. Selon la Banque de France, le mouvement des gilets jaunes aura eu sur la croissance un impact négatif de 0,2 point de PIB. En 2019, les aléas européens - avec un possible bras de fer entre l’Italie et la Commission européenne - et mondiaux, avec les menaces commerciales agitées par Donald Trump, ne devraient pas arranger les choses.

Caducité

La trajectoire budgétaire annoncée en début de quinquennat par le gouvernement semble, elle, bel et bien caduque. Alors que l'exécutif avait inscrit dans son projet de budget pour 2019 une prévision de déficit public à 2,8 % du PIB, les 10 milliards d'euros supplémentaires lâchés par le gouvernement pour éteindre la contestation sociale qui a débuté le 17 novembre porteront ce chiffre fatidique à 3,2 % du PIB. Quant à la dette publique, qualifiée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, de «poison pour notre économie», elle ne baisse toujours pas. Le gouvernement s'était engagé à la réduire de près de 8 points d'ici à la fin du quinquennat. Mais après certaines réintégrations comptables - notamment une part de la dette de la SNCF - et les «mesures d'urgence économiques et sociales» votées en fin d'année, elle devrait franchir la barre symbolique des 100 % de PIB. «Le gouvernement fait un pari sur la solvabilité de la France, s'alarme le député LR Gilles Carrez, ex-président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Si nous n'avions pas l'euro qui nous protège et nous anesthésie, nous serions dans la même situation qu'en 1982.» Un an après l'élection de François Mitterrand, la dette avait bondi de 4 points, provoquant l'effroi des marchés et préparant le tournant de la rigueur.