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Libération
Interview

Lebranchu : «J’ai la sagesse de celle qui n’a été élue qu’à 50 ans»

«Chez pol» a rencontré Marylise Lebranchu, ministre socialiste de la Décentralisation, de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat de 2012 à 2016.
L’ex-ministre de la Fonction publique de François Hollande,Marylise Lebranchu,en 2015. (PHOTO BRUNO LEVY. DIVERGENCE)
publié le 4 janvier 2019 à 20h36
Ça fait deux ans et demi que vous n’êtes plus ministre. Vous n’êtes plus députée. Ça vous manque ?

Pas du tout. J’ai toujours pensé que ministre n’était pas un horizon de vie. Je n’ai jamais compris que cela puisse être l’aboutissement d’une carrière. C’est une fonction pleine de surprises, d’honneurs, mais difficile et frustrante. Vous devez faire avec les arbitrages de Matignon. Votre marge est très encadrée. Députée, vous avez toujours une marge de manœuvre avec vos votes, les amendements…

A l’Assemblée, vous avez été questeure pendant cinq ans (2007-2012)…

En tant que questeure de l'Assemblée [dont le rôle est de gérer les aspects administratifs et matériels de la vie de l'Assemblée], je regrette de ne pas avoir supprimé les indemnités non imposables du président de l'Assemblée et des questeurs.

Pourquoi n’avez-vous pas été présidente de l’Assemblée nationale, comme beaucoup l’imaginaient ?

J’ai refusé pour deux raisons. On m’a proposé le perchoir car Ségolène Royal avait été battue aux législatives. Je trouvais normal que ce soit elle. Ensuite, si je prenais la fonction, je serais restée députée et je n’aurais pas pu lancer mon suppléant pour préparer ma succession. Il a été battu par un candidat LREM. Mais c’est pour cela que je suis restée ministre.

Avec quels politiques vous êtes-vous engueulée le plus violemment ?

La colère ne sert à rien. J’ai la sagesse de celle qui n’a été élue qu’à 50 ans. Mais j’ai eu des échanges véhéments avec Nicolas Sarkozy par écrit, quand il était à l’Intérieur, sur ses accusations de «laxisme» contre la gauche. Sinon, je me suis fâchée avec ceux qui sont partis à En marche. Comme Richard Ferrand, mon voisin de circonscription dans le Finistère. Il était frondeur, a engueulé les «hollandais» à la primaire… Là, j’ai écrit aux gens sans être très modérée dans mes propos. Et Emmanuel Macron, on s’est accrochés deux fois. Surtout sur les «illettrées», avant qu’il ne s’excuse.

Quelle anecdote de votre vie politique n’avez-vous jamais racontée ?

J'étais ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l'Etat (mai 2012-février 2016). Mais je n'ai appris le redécoupage des régions que pendant la conférence de presse du président de la République [François Hollande, ndlr]. Je l'ai mal vécu car je pensais que ce n'était ni une bonne idée, ni une priorité. Il y avait trop de choses aberrantes. C'était surtout pour dire «regardez comme je réforme»…

Avec quel adversaire politique vous entendiez-vous le mieux ?

J’ai la chance d’avoir été considérée comme une ministre non sectaire. D’ailleurs, des députés de droite me voulaient au perchoir, ça me dérangeait un peu…

Le plus grand moment de solitude de votre carrière ?

Dans mon ministère, avant d’être virée en février 2016. Je perdais arbitrage sur arbitrage. C‘était un moment pénible. Quand j’ai été virée, je me suis sentie libre. Sinon, quand j’ai postulé au Conseil constitutionnel. C’était la seule nomination où le suppléant restait député. J’en avais parlé à Jean-Louis Debré. Puis j’ai demandé à François Hollande et Claude Bartolone qui m’ont dit qu’ils avaient «oublié» ma candidature. Quand on n’est pas dans le clan, on vous oublie.

La politique, c’était mieux ou moins bien avant ?

On ne peut pas dire. Il est important que les citoyens comprennent que c’est leur vie quotidienne qui est en jeu. Aujourd’hui, on manque de projets de société. Où est le projet d’Emmanuel Macron ? François Hollande en avait un avec le discours du Bourget, mais il l’a abandonné.