Menu
Libération
édito

Ségrégation

publié le 7 janvier 2019 à 21h16

La lutte des classes, désormais, est une lutte des espaces. Autrefois ouvriers et bourgeois habitaient les mêmes agglomérations, les uns dans les étages nobles ou dans les quartiers chers, les autres en haut des immeubles ou dans les faubourgs bon marché. Tout a changé. Des prix stratosphériques dans la capitale, élevés dans les grandes villes, au ras du gazon dans les villages et à la campagne. La hiérarchie verticale des revenus se déploie à l’horizontale sur le territoire français. Les classes dirigeantes sont dans les villes, les classes populaires autour, et de plus en plus loin. Trop schématique ? Certes. Le logement social a maintenu dans les grandes agglomérations une partie des Français les moins favorisés. Des «rurbains» aux revenus confortables se mélangent aux oubliés dans les zones rurales. Rien n’est si simple. Mais comment ne pas voir dans cette ségrégation par le prix du mètre carré un des puissants facteurs qui expliquent la crise que traverse aujourd’hui le pays ? C’est la longueur des trajets obligatoires pour aller travailler qui a servi de détonateur, à travers la mise en cause des taxes sur le carburant. De la crise immobilière à la crise sociale, il n’y a qu’une bretelle d’autoroute. Rappelons que Cécile Duflot, ministre du Logement, avait tenté de freiner cette discrimination spatiale en bridant autant que possible le montant des loyers. Que le gouvernement de gauche avait essayé, par la contrainte financière, de promouvoir le logement social dans les communes de France. Le tout au milieu des déchirantes protestations des maires de droite et des professionnels du secteur, qui criaient au soviétisme et à la dictature socialiste. Le résultat du laissez-faire immobilier est sous nos yeux. Les exilés du logement sont passés du pavillon au rond-point, déclenchant une protestation sociale dont le gouvernement ne sait comment sortir.