A l’inverse d’une formule facile, il n’y a pas en France de «noblesse d’Etat». Mais il reste des nobles. La haute fonction publique française, dont la qualité est respectée dans les arènes internationales, est faite de corps exigeants, auxquels on accède par des concours anonymes et difficiles, notamment depuis la création, à la Libération, de l’Ecole nationale d’administration, qui a fortement réduit le népotisme qui régnait jusque-là dans les sphères élevées de l’administration. Les responsabilités sont étendues, les horaires extensibles, la compétence rarement prise en défaut, la carrière dominée par une féroce concurrence. Point de cocottes en papier ni de manches de lustrine dans ce monde stressant et sans trêve. C’est un cliché de la démagogie que de fustiger rituellement «les énarques coupés du réel». Tout haut fonctionnaire est placé sous l’autorité politique d’un ministre qui peut le renvoyer ad libitum à une autre tâche et assume toutes les décisions importantes. S’il y a une coupure, elle incombe aux élus, non à ceux qui les secondent avec discipline. Trop payés ? C’est vite dit quand le titulaire du poste exerce correctement un métier ardu et prenant, alors que les salaires du privé à compétence égale sont du double ou du triple, parfois bien plus. En revanche les positions factices, les «fromages» qui servent à recaser soutiens et amis, les «disponibilités» commodes qui traînent en longueur, déjà illégitimes par temps calme, deviennent intenables quand une partie de la société se rebelle contre les inégalités sans cause, les privilèges qui perdurent ici ou là au sein de l’appareil d’Etat. Là sont ces aristocrates dont le sort évoque les prébendes d’Ancien Régime et dont nous dressons ici une liste non exhaustive. Non pour dénigrer ou pour amalgamer petits nababs à statut et grands commis. Mais pour mettre en cohérence le discours sur la modernisation de l’Etat et la morale exigeante du service public.
Dans la même rubrique