Il est bien là, billes noires et visage aiguisé. Ces dernières semaines, Mehdi Nemmouche avait promis qu'il serait un acteur majeur de son procès d'assises. Eu égard au rapport qu'entretiennent certains jihadistes à la «justice des hommes», le doute était permis. Emmailloté dans un pull jaune, le Roubaisien, accusé d'avoir fusillé quatre personnes au Musée juif de Belgique le 24 mai 2014, a vite levé l'ambiguïté en déclamant, le ton clair : «Nemmouche Mehdi, 33 ans, sans profession.»
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Ouvert ce jeudi à Bruxelles, le procès du Français, au parcours tourmenté depuis la petite enfance, revêt une importance particulière. D'abord parce que Nemmouche est le premier combattant occidental à avoir retourné les armes contre l'Europe pour le compte de l'Etat islamique (encore appelé à l'époque Etat islamique en Irak et au Levant, EIIL). Ensuite, parce que le Roubaisien, arrêté à Marseille six jours après l'attaque du Musée juif, avait manifestement d'autres projets en tête. En septembre 2014, Libération avait révélé que Nemmouche projetait une tuerie «sur les Champs-Elysées le 14 Juillet», d'une ampleur «cinq fois» supérieure aux crimes du terroriste de Toulouse et Montauban, Mohammed Merah. Ces propos, le jihadiste les aurait tenus devant les quatre journalistes français retenus en otage à Alep en 2013 et 2014, et dont il fut l'un des geôliers. Si Nemmouche accepte bel et bien de se livrer, sa parole sera d'or…
Quenelle, congrès antisémite et Soral
Mais les débats pourraient prendre une tout autre tournure. Passé ce jeudi et ce vendredi, consacrés à la lecture de l’acte d’accusation, l’audience procédera à l’interrogatoire des accusés – le tueur comparaît aux côtés de Nacer Bendrer, suspecté de lui avoir livré des armes à Molenbeek quelques semaines avant l’attaque. Nemmouche pourrait alors se retrancher derrière une thèse complotiste, voulant que deux de ses victimes, Myriam et Emmanuel Riva, étaient des agents du Mossad. En réalité, le couple faisait du tourisme en Belgique. Quant à la femme, elle aurait simplement effectué des missions administratives (de comptabilité) pour l’agence de renseignement israélienne par le passé. Suffisant pour que les avocats de Mehdi Nemmouche, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, en fassent un axe de défense et plaident l’acquittement ? En 2014, les deux conseils ont été photographiés en train de faire le geste de la quenelle avec l’humoriste controversé Dieudonné. Ce dernier s’était rendu à Bruxelles pour assister à un congrès antisémite en compagnie du polémiste Alain Soral. Selon Europe 1, l’organisateur de ce congrès est un client de Sébastien Courtoy.
«On est obligés de faire des parallèles»
Présent sur les bancs du public, Samuel Sandler, 72 ans, père et grand-père de plusieurs victimes juives de Mohammed Merah, a dénoncé jeudi l'antisémitisme qui lie les deux terroristes : «On est obligés de faire des parallèles. L'assassin de mes enfants a été un modèle. Les intentions étaient les mêmes, la méthodologie pratiquement la même aussi». La résonance entre les deux attaques fut en effet troublante lorsque les procureurs fédéraux se sont lancés dans la lecture des dépositions des multiples témoins. L'un d'eux a décrit ainsi le sang-froid effarant avec lequel Nemmouche a accompli son forfait : «Il était si calme que j'ai cru à l'acte d'un militaire, il avait l'air d'un professionnel.»
Parti en Syrie le 31 décembre 2012, Mehdi Nemmouche y a côtoyé le noyau dur de l’équipe ayant frappé Paris en novembre 2015 et Bruxelles en mars 2016. Le 16 janvier 2014, soit quatre mois avant l’attaque du Musée juif, le Roubaisien était encore en contact avec le chef du commando parisien, Abdelhamid Abaaoud. Toutes ces tueries ont-elles été élaborées de concert ? Nemmouche peut lever bien des secrets.