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Libération

Procès Nemmouche : «Il était si calme que j’ai cru à l’acte d’un militaire»

publié le 10 janvier 2019 à 20h56

Ces dernières semaines, Mehdi Nemmouche avait promis qu'il serait un acteur majeur de son procès d'assises. Eu égard au rapport qu'entretiennent certains jihadistes à la «justice des hommes», le doute était permis. Le Roubaisien de 33 ans, accusé d'avoir fusillé quatre personnes au Musée juif de Belgique le 24 mai 2014, a levé l'ambiguïté en déclamant : «Nemmouche Mehdi, 33 ans, sans profession.»

Ouvert jeudi à Bruxelles, le procès du Français au parcours tourmenté revêt une importance particulière. D'abord parce que Nemmouche est le premier combattant occidental à avoir retourné les armes contre l'Europe pour le compte de l'Etat islamique. Ensuite parce que le Roubaisien, arrêté à Marseille six jours après l'attaque du Musée juif, avait manifestement d'autres projets en tête. En septembre 2014, Libération avait révélé que Nemmouche projetait une tuerie «sur les Champs-Elysées le 14 Juillet», d'une ampleur «cinq fois» supérieure aux crimes du terroriste de Toulouse et Montauban, Mohammed Merah. Le jihadiste aurait tenu ces propos devant les quatre journalistes français retenus en otages à Alep en 2013 et 2014, et dont il fut l'un des geôliers. Si Nemmouche accepte de se livrer, sa parole sera d'or…

Le tueur comparaît au côté de Nacer Bendrer, suspecté de lui avoir livré des armes à Molenbeek quelques semaines avant l’attaque. Nemmouche pourrait alors se retrancher derrière une thèse complotiste, voulant que deux de ses victimes, Myriam et Emmanuel Riva, étaient des agents du Mossad. En réalité, le couple faisait du tourisme en Belgique. La femme, elle, aurait simplement effectué des missions administratives (de comptabilité) pour l’agence de renseignement israélienne par le passé. Suffisant pour que les avocats de Nemmouche, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, en fassent un axe de défense et plaident l’acquittement ? En 2014, les deux conseils ont été photographiés faisant le geste de la quenelle avec l’humoriste controversé Dieudonné, qui s’était rendu à Bruxelles pour assister à un congrès antisémite avec le polémiste Alain Soral. Selon Europe 1, l’organisateur de ce congrès est un client de Sébastien Courtoy.

Présent sur les bancs, Samuel Sandler, 72 ans, père et grand-père de plusieurs victimes juives de Mohammed Merah, a dénoncé jeudi l'antisémitisme qui lie les deux terroristes : «On est obligés de faire des parallèles. L'assassin de mes enfants a été un modèle. Les intentions étaient les mêmes, la méthodologie pratiquement la même aussi.» La résonance entre les deux attaques fut en effet troublante lorsque les procureurs fédéraux ont lu les dépositions des multiples témoins. L'un d'eux a décrit ainsi le sang-froid effarant avec lequel Nemmouche a agi : «Il était si calme que j'ai cru à l'acte d'un militaire, il avait l'air d'un professionnel.» Parti en Syrie en 2012, Mehdi Nemmouche y a côtoyé le noyau dur de l'équipe ayant frappé Paris en novembre 2015 et Bruxelles en mars 2016. Quatre mois avant l'attaque du Musée juif, le Roubaisien était encore en contact avec le chef du commando parisien, Abdelhamid Abaaoud.