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ACTE 9

Gilets jaunes : 84 000 manifestants en France

C'est 34 000 de plus que la semaine dernière, a annoncé le ministère de l'Intérieur, qui a également fait état de 244 interpellations sur l'ensemble du territoire. Des troubles ont éclaté dans plusieurs villes à la fin des cortèges.
Acte 9. Bordeaux, place Pey-Berland. Les forces de l'ordre utilisent des canons à eau pour repousser les gilets jaunes. (Photo Thibaud Moritz pour Libération)
publié le 12 janvier 2019 à 11h10
(mis à jour le 12 janvier 2019 à 16h53)

18 h 30 à Bordeaux: lacrymos et projectiles en tout genre

Acte IX. Bordeaux. Un gilet jaune proche de la place de la Bourse, le 12 janvier.

Photo Thibaud Moritz pour Libération

À Bordeaux, comme un air de déjà vu. La manifestation se termine dans la confusion et la tension monte d'un cran place Pey-Berland devant l'hôtel de ville où un important dispositif des forces de l'ordre fait barrage aux manifestants.  Gaz lacrymogènes et projectiles en tout genre volent dans les airs pendant que les feux d'artifice manquent de toucher les manifestants lorsqu'ils sont mal envoyés. Sur les rails du tram et sur la place, des «casseurs» ont allumé d'impressionnants incendies à l'aide de palettes et de poubelles, d'autres arrachent grâce à des masses les pavés pour s'en servir comme armes. A 19 heures, entre deux accalmies, des nuages de gaz repoussent la foule poursuivie par la Bac dans les rues du centre-ville. Plusieurs blessés sont évacués par les pompiers. L'hélicoptère de la gendarmerie continue de son côté à surveiller inlassablement les scènes de violences.

Peu avant 20h, les derniers manifestants sont dispersés par les forces de l’ordre. Place Peyberland, les casseurs ont laissé des traces de leur passage. La banque Caisse d’épargne et le centre d’informations recrutement de la gendarmerie ont été pillés et vandalisés, le mobilier urbain dégradé et plusieurs poubelles fument encore. D’après la préfecture, les gilets jaunes étaient environ 6000, il y a eu 35 interpellations et aucun blessé côté forces de l’ordre.

Eva Fonteneau

18 heures, à Paris

Le groupe compact de gilets jaunes qui s’était constitué entre Saint-Lazare et Opéra a été dispersé par la police montée et des gendarmes mobile en plusieurs groupes éparses. Les manifestants errent au milieu des passants aux abords de la place de l’Opéra.

Tristan Berteloot.

«Macron nous prend pour des abrutis»

BOBY pour Libération.

Des centaines de gilets jaunes ayant quitté la place de l'Etoile convergent désormais depuis la gare Saint-Lazare en direction d'Opéra en passant par les Galeries Lafayette, quelques slogans anticapitalistes ou anti Castaner dans la bouche. La foule est compacte mais pacifiste. Kevin, 30 ans, gestionnaire dans la logistique, en fait partie. «Je sais pas où on va, je suis le mouvement», dit-il, alors que le cortège sauvage passe au milieu des touristes interloqués. Kevin raconte s'etre fait gazer plus tôt près de l'arc de Triomphe. «Mais sans ça, la manif s'est plutôt bien passée, tant mieux.» Kevin ne cautionne pas «les casseurs». Il marche parce qu'il est «proprio d'un appart mais je m'en sors pas parce que tout augmente». Il dit «je veux pas gagner 500 euros de plus, simplement m'en sortir». Et ajoute «quand tu vois les milliards qui filent aux actionnaires et la fraude fiscale...» Kevin aimerait bien que Macron l'entende, «un jour», mais «il comprend rien. Et quand ils nous parle, il nous prend pour des abrutis».

Tristan Berteloot.

«Il faut qu’on montre l’exemple à Bourges.»

Après s'être réchauffé au son de «Sur le drapeau» tiré de la compil' 93 Empire, le cortège de plusieurs milliers de gilets jaunes s'élance de la place Séraucourt et traverse Bourges dans une ambiance bon enfant. Sous l'oeil des CRS qui bloquent les rues. Venu spécialement du sud ouest, Doudou, 52 ans, agite son drapeau des girondins de bordeaux. «J'ai été licencié en 2012. Je travaillais dans le charbon actif à mais notre entreprise a été rachetée par un Suédois et il y a eu un plan social.» Son fils a prévu de le rejoindre. Quand il aura fini de regarder Pokémon. «Dans ce mouvement, il y a beaucoup de femmes, de personnes âgées et de jeunes. Il faut qu'il continue car il est représentatif.» Devant la colonne de gilets jaunes, un camion roule au pas. Sur son toit, un coq porte fièrement un gilet jaune. Le gallinacé est l'attraction du cortège. «Il va tellement stresser qu'il va nous faire un oeuf», lâche un gilet jaune.

Sur sa remorque, un groupe de musique reprend des tubes rock. La mélodie de «Fortunate son» des Creedence Clearwater Revival résonne dans le défilé. Devant le monument au mort, une minute de silence est respectée en hommage aux deux pompiers morts dans l'explosion de la rue de Trévise. Philippe, Berruyer et Gilet jaune, se félicite du succès de la manifestation : «il faut que ça reste comme ça. C'est bon enfant. Il faut qu'on montre l'exemple à Bourges.»

Vers 15 heures, 500 manifestants convergent vers le centre-ville. Les CRS bloquent l'accès. Les premiers échauffourées débutent et les policiers font usage de gazs lacrymogènes. Les gilets jaunes sont rassemblés devant la halle Saint Bonnet. Dans les petites rues du centre de Bourges, les grenades sont lancées sur les toits et retombent sur les manifestants qui fuient en courant.

Charles Delouche.

17 heures : «La police avec nous»

Au niveau du Fouquets, sur les champs ÉEysées, une vingtaine de cars de police se sont groupés, des canons à eau arrosent la foule de gilets jaunes pour la disperser. «La police avec nous», scandent les manifestants. Plusieurs centaines de gilets jaunes font face aux forces de l'ordre. «Macron ruine la France. Tous à l'Elysée», porte l'un sur son gilet.

Chloé Pilorget-Rezzouk.

A Bordeaux: «Le mépris nous galvanise»

Le rassemblement des gilets jaunes a débuté dès 13h sur la place de la Bourse à Bordeaux. Vers 14h30, après avoir observé une minute de silence «en hommage aux morts et aux centaines de blessés depuis le début du mouvement», près de 5 000 manifestants ont emboîté le pas aux motards en se dirigeant vers la place Quinconces, par les quais. Le cortège défile désormais au niveau de la place de la Victoire, où des affrontements ont éclaté le week-end dernier, avec toujours les mêmes revendications. Les gilets jaunes réclament notamment «un référendum d'initiative citoyenne, une meilleure répartition des richesses ou encore la démission du président Emmanuel Macron.» «On n'est pas des casseurs», scandent plusieurs manifestants en tête du défilé.

Dans la foule, Maryse, 45 ans, vient manifester pour la première fois : «Au début, j'étais plutôt perplexe, je ne me retrouvais pas forcément dans leurs actions, mais aujourd'hui je les trouve mieux organisés. Ils représentent maintenant toutes les tranches de la population. Leurs revendications sont devenues les miennes. Il ne faut pas lâcher si l'on veut obtenir quelque chose sur le long terme.»

A quelques mètres, Cyril, la trentaine, est ingénieur agronome. Il explique avoir porté le gilet jaune tous les samedis depuis novembre : «Aujourd'hui il s'agit de maintenir la pression, de montrer qu'on existe toujours. La semaine dernière, ils nous ont sous-estimés. Les medias, le gouvernement, ils pensaient tous que le mouvement s'était essoufflé, mais la mobilisation n'en a été que plus forte. C'est ce mépris au contraire qui nous galvanise» confie le jeune homme.

Sur la route des gilets jaunes, les rideaux des commerces se baissent, quelques habitants se calfeutrent. «Pour l'instant c'est assez calme, mais j'ai un souvenir amer des violences des semaines précédentes. Je préfère prévenir que guérir», explique une dame du haut de son balcon, cours de la Marne.

Eva Fonteneau.

16 heures : «On n’a plus le droit de manifester ou quoi ?»

Avenue des Champs Elysées, les gendarmes mobiles bloquent l'accès à la place de l'Etoile, où quelques heurts ont éclaté entre les forces de l'ordre et les manifestants, rapidement calmé par les canons à eau et les gaz lacrymogènes. Alors que des riverains ou des gilets jaunes veulent passer, un haut-parleur hurle : «Faites demi-tour, la rue est fermée». Juste à côté, le haut de l'avenue de Friedland est sous les gaz lacrymogènes. «C'est Georges Orwell, là ! La manif est déclarée... on n'a plus le droit de manifester ou quoi ?», s'agace un manifestant. Smartphone à la main, un gilet jaune arrive pour donner les dernières nouvelles : «Et voilà, déjà trois blessés au tir de flashball». L'homme est branché sur Russia Today, «radio Poutine» dit-il en riant. «C'est pas BFMTV? Parce que moi c'est fini, BFM», lâche un autre en regardant l'écran. Ils sont un petit groupe à ne pas décolérer, alors que cinq voitures banalisées de renfort policiers remontent l'avenue. «Ils nous gazent, ils nous frappent. Faudrait qu'il y en ait un ou deux qui meurent», s'emporte un gilet jaune. Jugé excessif par ses camarades, dont l'un lui répond réprobateur : «non, quand même pas !»

Chloé Pilorget-Rezzouk.

A Rennes : «Je suis venu après les provocations de Macron, de Castaner et Philippe»

Entre 150 et 200 gilets jaunes se sont rassemblés en début d'après-midi devant l'hôtel de ville de Rennes au son des klaxons et des sifflets. Parmi eux, Philippe, 58 ans, ambulancier en arrêt maladie, se dit plus déterminé que jamais. «Je soutiens le mouvement depuis le début mais je suis tout particulièrement venu aujourd'hui après les provocations de Macron, de Castaner et d'Edouard Philippe», explique t-il, évoquant les menaces sur «la liberté d'expression et de mouvement» que représenteraient les dernières initiatives gouvernementales pour juguler les violences et les propos présidentiels sur «le sens de l'effort» oublié par beaucoup de Français. A ses côtés un imprimeur soixantenaire estime que ces propos étaient délibérés «pour attiser la violence» et pouvoir discréditer le mouvement. Tous deux ne croient pas une seconde au grand débat national , déjà «bordé» et simple stratagème selon eux pour «gagner du temps». En tête de cortège, certains gilets jaunes avouent une certaine lassitude, comme Nicole, 72 ans, ancienne serveuse et «bonne à tout faire» en retraite, gilet jaune depuis le début et qui déplore que «rien n'avance». Dans l'ouest, ils étaient à nouveau plusieurs centaines à défiler à Brest, Le Mans ou Caen.

Pierre-Henri Allain.

15h30 : «Je suis un lycéen insoumis»

Des gilets jaunes ont organisé un sitting devant l'avenue Wagram. Charge de la police en cinq minutes, interpellations musclées. Deux gars sont sortis du groupe dont un grand en manteau marron, qui au passage a perdu ses pompes. Trois lycéens ont assisté à la scène : «Hey mais les gars putain c'est Monsieur Mandon* ! Putain c'est chaud c'est Monsieur Mandon, c'est notre prof de SES !» Les gosses, 16, 16 et 17 ans, la mèche rebelle, sont scolarisés dans le 16e. Savaient-ils que leur enseignant manifestait ce samedi ? «On s'en doutait ! C'est un peu un anarchiste !» Et eux ? «Nous aussi. Moi je suis lycéen insoumis. On se bat contre la réforme [du lycée sans doute, ndlr] et aussi pour soutenir les gilets jaunes». 

*Le nom a été modifié.

Tristan Berteloot. 

15h : premiers heurts à Paris

Place de l’Etoile, pendant des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Denis Allard pour Libération.

Plusieurs dizaines de manifestants ont décidé de passer avenue de Wagram bloquée par des gendarmes mobiles. «Fils de putes de la police niquez vos mères.» On détruit un kiosque à journaux. Jets de Pierres d'un côté, lacrymos de l'autre. Charge de gendarmes, tout le monde se barre. Un gilet jaune s'allonge au sol : il a pris un flashball au milieu du bide. Grosse marque ronde. Prise en charge immédiate d'une équipe médicale. Plus loin, un «gilet» vient engueuler un policier en civil. Ce dernier : «on fait notre travail» 

- Non, t’as pas à nous viser la gueule avec ton flashball. Vous êtes la pour tuer des gens.»

Un homme rassure sa copine : «reste là, on a rien fait». Elle : «ça s'est bien passé jusque là et d'un seul coup, ça dégénère, parce que la police nous encercle». 

Tristan Berteloot.

A Nice : «On ne veut plus du mépris du gouvernement.»

Le pantin d'Emmanuel Macron vole dans les airs. Les gilets jaunes font valser dans le ciel la marionnette, en costume trois-pièces et à taille humaine. «Il faut qu'il prenne son envol vers le monde qu'il aime : celui de la finance et de l'argent», dit Yassine parmi les 600 gilets jaunes qui défilent dans les rues de Nice ce samedi après-midi. Le cadre commercial file la métaphore : «S'il veut descendre vers le peuple, il faut qu'il réponde aux demandes des gens sur le pouvoir d'achat. On ne veut plus du mépris du gouvernement.» Lancer un pantin dans les airs à l'aide d'un drap tendu est une tradition niçoise, bien respectées par les gilets jaunes. Pendant le carnaval, ce «paillassou» est propulsé à plusieurs mètres de haut. Il symbolise les soucis accumulés au cours de l'année. «Si seulement c'était le vrai, s'amuse Maryse, 59 ans. Ce président est un escroc. Je veux sa démission.» Sur l'avenue Jean-Médecin de Nice ce samedi, la marionnette de Macron s'envole de plus en plus haut. Jusqu'à tomber et à s'abîmer. «On lui a coupé la tête ?», ironise un manifestant. «Non, on n'est pas des violents, répond une gilet jaune au mégaphone. On répare Macron. Vive l'hôpital public !» Le masque replacé sur le pantin, le cortège peut reprendre sa marche vers la place Massena.

Mathilde Frénois.

14h30 : «Christophe à la maison, Macron en prison !»

Place de l'Etoile à Paris. Ça joue du djembé dans un coin, ça se prend en photo devant l'Arc de triomphe. Quelques CRS sont postés devant l'avenue de Friedland, théâtre de violents affrontements il y a deux semaines. Un homme, petit gros, la soixantaine, peau un peu rougeaude, est venu avec un classeur plastifié, dedans des photos de blessés dans les manifs précédentes. A coups de matraque ou flashball, dit-il. «Les gueules cassées des gilets jaunes.» Il invective un policier : «Vous avez vu ce que vous nous faites ? Pourtant on est comme vous». Le flic en face ne bronche pas. Derrière, quelques manifestants entonnent un «Christophe à la maison, Macron en prison !». D'autres convergent vers l'arc. Dans une rue adjacente, des policiers en civils se font huer par la foule. Premiers jets de lacrymo à l'entrée de l'avenue Wagram.

Tristan Berteloot.

A Bourges : «A 17 ans, mon fils nous a demandé pourquoi est-ce qu’on n'était jamais parti en vacances»

Bourges, samedi 12  janvier 2019, Les gilets
 jaunes à Bourges / Sur le parking de Séraucourt se rempli d'heure en heure avant la marche qui doit commencer à 14h.

Cyril Zannettacci.Agence VU pour Libération. 

La cité antique a été choisie pour être l'épicentre de la contestation en ce samedi. Venus de Saint Amand à seulement 40 minutes de Bourges, Richard et Nathalie font partie des premiers manifestants arrivés sur place. Avec leur fils Anthony, ils sont des habitués du mouvement. Pendant que les tentes de jardin sont montées sur le parking, vidées de toutes les voitures pendant la nuit, Richard, casquette vissé sur la tête, se réchauffe avec un bon café. Artisan à son compte, il se désole de la baisse du pouvoir d'achat . «A 17 ans, mon fils nous a demandé pourquoi est-ce qu'on était jamais parti en vacances, se désole Richard. Je ne savais pas quoi lui répondre.»

Pour sa femme Nathalie, c'est l'injustice du monde du travail à laquelle il faut s'attaquer : «ça fait 30 ans que je travaille dans la lingerie de luxe. Je n'ai jamais été augmenté, toujours le même salaire. On devrait pouvoir offrir une crêpe à nos enfants sans avoir à se sacrifier et à serrer la ceinture». Au fur et à mesure de la matinée, la large place s'est remplie et vite devenue tachetée de jaune.

A midi, la préfecture du Cher comptait plus de 1 200 manifestants rassemblés dans ce quartier de Bourges. Quelques 17 personnes ont été interpellé en marge du rassemblement. De nombreux visiteurs se sont également fait confisquer leur casque et leur matériel de protection. La marche qui se déroulera autour de la ville débutera à 14h, après un discours des organisateurs du mouvement dont le breton Maxime Nicolle, figure de la contestation.

Charles Delouche.

«Le 20 du mois, il ne me reste plus rien pour bouffer.»

Alors qu’une ligne de forces de l’ordre barre le passage, rue de Rivoli, juste après le croisement avec le boulevard Sébastopol, Philippe*, 70 ans, se poste devant calmement et s’interpose face à quelques manifestants. En gilet jaune, ce retraité porte un brassard blanc pour être identifié comme membre de la sécurité du mouvement : «Il y en a qui provoquent les flics, ne se tiennent pas bien, mais ils sont plus forts que nous. S’ils veulent nous coller une dégelée, ils le font. Il faut voir le nombre de blessés depuis le début... On essaie de faire en sorte que les choses se passent bien, que l’on n’entre pas en conflit avec qui que ce soit.» Celui qui participe pour la première fois au service d’ordre, mais n’en est pas à sa première manif jaune, rappelle : «Notre mouvement est pacifique et apolitique». Un bruit de fond résonne un «Castaner nique ta mère». Pour Philippe, ancien de la restauration, il était évident de participer à cette contestation sociale : «Mr Macron se gave avec sa galette des rois et nous dit qu’on ne fait pas assez d’efforts ? Moi, le 20 du mois, il ne me reste plus rien pour bouffer.»

Chloé Pilorget-Rezzouk.

13 heures : «On a encore les moyens d’être dans la rue. On est pas près d’arrêter»

On est place de la Bastille et Maximilien, 31 ans entonne un des chants des gilets jaunes emprunté au répertoire des supporters de foot marseillais : «Emmanuel Macron oh tête de con, on va te chercher chez toi». Puis ajoute «le problème, c’est qu’on sait pas où il habite. Le type, il est jamais là. A mon avis, il se planque dans sa piscine avec Benalla». Dans la vie, Maximilien est électricien, chef de chantier dans un grand groupe. Il dit : «on peut pas filer de salaire à nos ouvriers parce qu’on donne tout aux actionnaires». Maximilien a fait toutes les manifs depuis le début du mouvement. «On a encore les moyens d’être dans la rue. On est pas prêts d’arrêter.» Les violences ? «Sûr qu’il y a des casseurs. Mais la police, attention il faut une police, leur façon de faire, ça crée des affrontements.»
Maximilien s’interroge : «c’est quoi ce pays ? Y’a des milices partout. Les policiers ont plus de matricule. Et Benalla, c’est quoi ? T’as des violences policières partout, et les 3/4 des blessés, c’est des gamins, des retraités, c’est pas des casseurs». Maximilien a donné à la cagnotte pour Christophe Dettinger, qui n’a fait que «protéger une femme au sol». Quand soudain autour la foule chante «libérez Christophe», Maximilien s’y remet aussitôt.

Tristan Berteloot.

1 200 personnes à Bourges

Autour de 1 200 manifestants, selon la préfecture, ont commencé à se rassembler dans le calme samedi à Bourges, placé sous le coup d’un arrêté de la préfète interdisant tout rassemblement dans le centre historique.

12h30 : «Quelle réponse ont les gilets jaunes, depuis le début, à part le mépris ?» 

Une femme a écrit sur son gilet «ni homophobe ni raciste ni antisémite, ma haine n’est dirigée que contre l’injustice sociale». Emilie, 34 ans, vient de banlieue parisienne. C’est sa huitième manifestation, elle suit le mouvement depuis le début : «Ce message, c’est une réponse à l’allocation de notre président qui nous a traité de ‘foule haineuse’ lors de ces vœux.» Elle poursuit, faisant allusion aux propos de Christophe Castaner tenus hier : «Aujourd’hui, il paraît qu’on est tous complices des casseurs... Quelle réponse ont les gilets jaunes, depuis le début, à part le mépris ?» Alors que des manifestants derrière elle crient «Benalla en prison», cette fonctionnaire développe : «L’injustice sociale en France est tellement énorme : on a des dirigeants qui se gavent... 300 000 euros de moquette, pendant qu’on nous demande de nous serrer la ceinture, c’est juste ahurissant.»

Chloé Pilorget-Rezzouk.

Midi, dans le cortège qui se rapproche de Bastille

Parmi le cortège de manifestants, qui se rapproche de Bastille, Cirgue, 29 ans, marche une icône de la Vierge dans les mains. Un chapelet autour du coup, accompagné de deux amis «chrétiens», il explique sa présence : «Je suis allé à la rencontre des gilets jaunes, comprendre pourquoi ils manifestaient, et leurs convictions fondamentales sont justes. Je prie pour que la paix et la justice se fassent.» Ce parisien qui se prépare à être prêtre poursuit : «Quand j’écoute ces gens j’entends beaucoup de vérité. Bien souvent, le gouvernement n’est pas au service du peuple mais des multinationales... c’est malheureusement vrai.»

Chloé Pilorget-Rezzouk.

Valérie, 49 ans, est gardienne d'immeuble HLM à Villiers-sur-Marne, dans le 94. «Alors, la misère, je connais», dit-elle, marchant tranquillement avenue Daumesnil. La gilet jaune, blonde, cheveux courts, lunettes, chante «Paris, Paris, soulève toi». Elle a participé aux blocages au début du mouvement, a fait presque toutes les manifs depuis, et à Rungis aussi. Elle réagit aux propos du président de la République, hier, au sujet des Français et du «sens de l'effort» : «Le sens de l'effort ? On l'a. La preuve, on est là.» Elle enchaine : «Macron, c'est même pas du mépris. C'est de l'idiotie. Il sort une phrase et il croit que c'est la bonne. Je crois qu'il est trop jeune ».

Valérie a voté blanc à la dernière présidentielle, aimerait qu'à l'avenir, cela soit reconnu. Elle est aussi pour le RIC. Une idée de référendum ? «Voir si Macron, aujourd'hui, il serait encore éligible». Elle pense que «non, et c'est pour ça que ça va jamais passer». Valérie marche pour «plus de répartition des richesses».

Avenue Dausmenil, un sans abris dort sur une grille de métro. Pas gêné par le cortège et les cris des manifestants. Devant lui, la petite boîte en bois déborde de pièces : chaque gilet jaune ou presque y a déposé quelque chose.

Tristan Berteloot.

11h30, dans le cortège parti de Bercy

11 heures, à Nice, 200 manifestants

Coralie avait ses petites habitudes au rond-point de Saint-Isidore, à l’ouest de Nice. Elle rejoignait ce «lieu de vie» chaque samedi. Même lieu, même heure. Mais son QG a été «complètement détruit» par les forces de l’ordre mardi. Alors ce samedi, c’est dans le centre-ville de Nice que Coralie est venue manifester. Comme 200 autres gilets jaunes, elle se mobilise «en représailles» à l’évacuation de tous les campements des Alpes-Maritimes cette semaine. Les rond-points de Cannes, Cagnes-sur-mer, Cantaron ayant subi le même sort. En retrait face aux chants anti-Macron et aux fumigènes craqués sur la promenade des Anglais, Coralie se justifie : «Oeil pour œil, dent pour dent, dit cette intérimaire de 25 ans. C’était une vraie Zad avec un algeco, un barnum, de l’électricité, de l’eau, de quoi manger. La destruction de ce lieu d’unité est un gâchis.» La Niçoise est emmitouflée dans sa doudoune rouge. «A partir d’aujourd’hui, on devrait être des citoyens en colère, pas seulement des gilets jaunes, estime-t-elle. Il faut dépasser les limites du mouvement.» Coralie garde tout de même un gilet jaune à portée de main pour repartir arpenter les rues de Nice. Il dépasse de sa poche. 

Mathilde Frénois.

11 heures, le cortège part de Bercy

Il est 11 heures, le top départ de la manifestation parisienne est donné. Plusieurs centaines de gilets jaunes partent de Bercy, direction la place de l'Etoile sous les chants «Paris debout, soulève toi !»

L'un d'eux porte un gilet jaune sur lequel est inscrit : «tout est possible, état = mafia». Un autre a inscrit #jesuischristophedettinger sur le sien. Beaucoup affichent des messages en faveur du RIC, le référendum d'initiative citoyenne au coeur des revendications du mouvement. Un couple passant, s'amuse à compter le nombre de policiers, et commente : «ah bah c'est la guerre !» Mais pour l'instant, la manifestation démarre dans le calme, au rythme des chants.

Chloé Pilorget-Rezzouk.

10h30, à Bercy des gilets jaunes arrivent petit à petit

Selon un photographe sur place, environ un millier de personnes sont rassemblées à Bercy.

10 heures, sur l’esplanade de la Défense

Sur l’esplanade de la Défense, un homme arbore fièrement son gilet jaune en traversant l’esplanade. C’est le seul gilet aperçu dans le quartier.