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Libération

Femme morte aux urgences de Lariboisière : des erreurs reconnues

publié le 14 janvier 2019 à 20h47

Nulle faute particulière ni défaut majeur d'organisation, mais plutôt le sentiment d'un système qui montre ses limites. En présentant lundi matin les résultats de la mission d'enquête sur la mort d'une femme de 55 ans dans la salle d'attente des urgences de l'hôpital Lariboisière, à Paris Xe, le 18 décembre, le Pr Dominique Pateron, qui préside la collégiale des urgences de l'Assistance publique, l'a dit très clairement : «Notre mission a mis en évidence un certain nombre de non-conformités dans le processus de prise en charge de la patiente.» Un peu à l'image de notre système hospitalier, un monde fatigué, manquant de moyens et de places, qui peut craquer.

Les urgences de Lariboisière sont les plus fréquentées de Paris. Un flot incessant de patients, plus de 230 par jour, avec une particularité liée au quartier : on y trouve des gens perdus, ne sachant pour certains pas trop où dormir, des précaires, des toxicos. Et en même temps, dans cet espace, il y a ce que l’on fait de plus pointu : Lariboisière accueille le jour les urgences céphalées pour tout Paris et la nuit les urgences ORL pour toute l’Ile-de-France. Bref, c’est une petite foule, dense et fragile, qui fréquente chaque jour ce lieu trop petit, avec une vingtaine de médecins pour y faire face et une centaine de membres du personnel soignant.

Comme le veut la procédure, c’est d’abord une infirmière qui reçoit le patient et l’oriente soit pour une prise en charge immédiate quand l’urgence vitale est manifeste, soit vers un circuit long si cela nécessite des examens ou une hospitalisation, soit enfin vers un circuit court qui absorbe près des deux tiers des malades.

C’est dans cette salle d’attente que va arriver la femme de 55 ans. Transportée par une brigade des pompiers, elle n’a pu être prise en charge dans un centre médico-social du quartier. Elle est enregistrée à 18 h 50, puis orientée vers le circuit court, et installée sur un brancard. Ses troubles sont couverts par le secret médical, mais elle semble souffrir de vertiges et de maux de tête.

Ce jour-là, l'activité est soutenue, avec près de 250 passages. Il manque un médecin, et quand le praticien de garde prend son service à 18 heures, il y a 30 patients en attente dans le circuit court. Que va-t-il se passer pour cette femme ? Rien. Tout le monde est débordé. Et vers 6 heures, alors qu'il reste encore une dizaine de personnes en attente, une infirmière la découvre «face vers le mur, inanimée». Son décès sera confirmé dix minutes plus tard. «Il est clair qu'il y a eu un problème de surveillance dans la zone de circuit court, a commenté lundi le Pr Pateron. Avec une activité très soutenue, les procédures n'ont pas été appliquées. Et quand il y a surcharge, le délai d'attente s'allonge.»

La mission recommande particulièrement de revoir le circuit court, l'espace trop exigu des urgences, et insiste sur la nécessité de «retirer toute une série de tâches administratives au personnel soignant». Quant aux moyens, c'est la question qui fâche. Si la direction de l'AP-HP a annoncé trois postes d'infirmiers et deux postes de médecins supplémentaires en février, il manquera toujours quatre postes par rapport aux normes des services d'urgences. Il n'empêche, en ces temps de rigueur à l'AP-HP, les gestes sont significatifs. Reste que ces mesures immédiates peuvent donner l'impression d'être prises avec toujours un train de retard.