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Libération
Éditorial

Précaution

publié le 14 janvier 2019 à 21h06

Oui, l’improvisation qui prévaut en ce jour de lancement officiel du grand débat laisse craindre le pire. Oui, l’amateurisme du pouvoir autour de la désignation des personnalités censées organiser la consultation, et rassurer sur son indépendance, est inquiétant. Oui, on peut être sceptique sur la sincérité d’un Macron qui se tourne aujourd’hui vers des corps intermédiaires qu’il a méprisés depuis dix-huit mois. Bien sûr, la crise sociale et politique qui secoue le pays vient sanctionner les erreurs commises depuis le début du quinquennat : les dérives jupitériennes sur la forme ; le président des riches sur le fond. Bien sûr, il se joue en cet hiver 2019 une bataille politique entre la majorité et les oppositions, l’une comme les autres abordant le débat avec un sac à dos bourré d’arrière-pensées. Cela s’appelle la politique. Tout cela est vrai et autorise à prendre ce grand débat avec précaution. Pour autant, la défiance politique qui s’exprime sur les ronds-points depuis des semaines n’a pas pris racine en mai 2017. Cette rupture, progressive mais désormais profonde, était même le levier principal du succès d’Emmanuel Macron. Il l’a oublié sitôt rentré à l’Elysée. Il en paie aujourd’hui le prix. Tant pis pour lui. Comment se résoudre en revanche à voir la santé de notre vie démocratique se détériorer année après année, comme l’a démontré une récente étude du Cevipof ? Le grand débat a le mérite de mettre cette question sur la table. Proportionnelle, vote blanc, nombre de parlementaires, démocratie participative, utilisation du référendum, nouvelle étape dans la décentralisation… Il y a urgence à modifier nos équilibres institutionnels si l’on veut réconcilier les Français avec la politique et éviter la sanction populiste. Un enjeu qui dépasse les intérêts partisans et suppose, sans naïveté, de donner sa chance au débat qui s’ouvre.