Avant de rejoindre les quelque 600 maires avec lesquels il devait donner le coup d’envoi de deux mois de «grand débat national» à Grand Bourgtheroulde (Eure), Emmanuel Macron s’est invité mardi matin à la table du conseil municipal de Gasny, petit bourg de la vallée de Seine. Les conseillers municipaux n’ont découvert qu’au dernier moment la présence de cet invité surprise, accompagné de son ministre des Collectivités, Sébastien Lecornu, ancien président du département.
Un peu troublé selon son propre aveu, le maire Pascal Jolly a brièvement tenté de dérouler son ordre du jour – «Nous allons parler de la salle des fêtes, pour son bilan énergétique» – avant de se tourner vers le chef de l'Etat. «Il faut améliorer le statut de l'élu», notamment pour ceux qui, comme lui, ont une activité professionnelle. A la suite du maire, plusieurs élus de cette commune ont exposé de vive voix des difficultés assez représentatives de celles qu'expriment les Français dans les cahiers de doléances. L'un d'eux a d'ailleurs salué les gilets jaunes, «une bonne chose pour la démocratie», preuve que «les Français ne se désintéressent pas de la vie politique».
«La vie ne reprendra pas son cours»
Après avoir sagement écouté, comme il s'appliquera à le faire tout au long de cette journée, Macron a répondu point par point, tantôt pour défendre ses réformes, tantôt pour assurer qu'il «entendait» bien les messages qui lui étaient adressés, rodant les arguments qu'il allait développer dans l'après-midi à Bourgtheroulde. Les gilets jaunes ? Le chef de l'Etat jure qu'il ne mise pas sur «la fatigue» du mouvement : «La vie ne reprendra pas son cours. C'est une chance pour qu'on puisse réagir plus fort et plus profondément.» Au pays des Lumières et de la Révolution, ce n'est rien moins qu'une «réinvention» de la démocratie qui se joue, a-t-il proclamé devant les conseillers municipaux de Gasny.
A cette prophétie, Macron a ajouté un éloge de la démocratie représentative à laquelle il s'est dit «très attaché». Ladite démocratie ne saurait se satisfaire, a-t-il ajouté, d'un «face à face entre ceux qui profiteraient d'un côté et ceux qui seraient les vaches à lait de l'autre». Devant des élus sensibles aux colères de la classe moyenne, il a expliqué qu'un «travail très fin» devait permettre de davantage responsabiliser «les gens en situation de difficulté»… «car il y en a qui font bien et il y en a qui déconnent», a-t-il cru bon de faire remarquer au passage. Glissée d'un ton complice dans le huis clos d'un conseil municipal, cette parenthèse a aussitôt été condamnée par l'opposition qui y a vu une nouvelle provocation du président désolé du «pognon de dingue» englouti dans les dépenses sociales. Le patron du PS, Olivier Faure, a illico dénoncé ce «président [qui] n'a rien compris», pointant combien «sa façon de jeter en pâture les plus faibles est insupportable».