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A la barre

Procès Nemmouche : les avocats avancent la thèse complotiste d'une machination orchestrée par le Mossad

Les trois conseils du présumé terroriste, accusé d'avoir tué quatre personnes au musée juif de Bruxelles en mai 2014, plaident l'innocence de leur client, en remettant en cause les principaux éléments de l'acte d'accusation.
Henri Laquay, un des avocats de Mehdi Nemmouche, le 15 janvier 2019 au tribunal de Bruxelles. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 15 janvier 2019 à 19h17

Peut-on sortir d’une telle journée autrement que KO ? KO devant l’irruption dans une cour d’assises, d’une thèse férocement empreinte de complotisme. Ainsi, selon ses trois avocats, il conviendrait d’acquitter Mehdi Nemmouche sur-le-champ, et de faire l’économie de près d’un mois et demi de débats. Entamé la semaine dernière, le procès du Roubaisien de 33 ans, accusé d’avoir tué quatre personnes au musée juif de Belgique en mai 2014, a pris la tournure pressentie : celle de la dénonciation d’une machination orchestrée par le Mossad, le plus connu des services secrets israéliens.

Célèbres pour leur proximité avec l’humoriste controversé Dieudonné, les conseils de Nemmouche ont opposé, ce mardi, un acte de défense à l’accusation portée par le parquet fédéral. Une sorte de pré-plaidoirie, à destination des jurés, permise par le droit belge. L’exercice, long d’environ une heure trente, a laissé la plupart des parties sans voix.

Tout a commencé par un mélange de preuves se voulant tonitruantes et de… mystères : «Mehdi Nemmouche n'est pas la personne qui a appuyé sur la détente au musée juif de Bruxelles. Nous en possédons la, ou plutôt les preuves. Nous allons vous en exposer les premiers éléments. Mehdi Nemmouche n'est pas le tueur. D'autres preuves vous seront présentées au cours du procès, à l'occasion du témoignage de tel ou tel. Mais nous ne pouvons pas en faire état pour le moment car elles pourraient modifier les dépositions que feront certains témoins à la barre», déclame le premier avocat du Roubaisien, Henri Laquay. Qui poursuit : «Mehdi Nemmouche est innocent tout simplement car son ADN ne figure pas sur la porte du musée juif malgré 12 prélèvements réalisés par la police scientifique. Or, l'ADN est la reine des preuves. Et, ici, la reine des preuves, c'est la défense qui la possède. Il a fallu dix heures au parquet fédéral pour égrener l'acte d'accusation. Il suffit d'à peine dix minutes pour le voir s'effondrer.»

Six jours après la tuerie belge, le 30 mai 2014, Mehdi Nemmouche a été arrêté à la gare routière de Marseille Saint-Charles. Les douaniers l'ont appréhendé à la sortie d'un bus en provenance d'Amsterdam, via Bruxelles. Dans le sac qu'il trimballe, figurent la kalachnikov et le pistolet de type 38 spécial utilisés au musée juif. Une nouvelle supercherie pour sa défense : «Nemmouche est entré en possession de ce sac, mais il en ignorait le contenu. Il a été piégé. Par un réflexe de défense que l'on peut comprendre, il a fini par ouvrir le sac. La kalachnikov était enroulée dans un drap. Son ADN figure dessus car il a pris soin de vérifier si elle était chargée, si une cartouche était chambrée. C'est en raison de cette terrible imprudence qu'il est poursuivi aujourd'hui.» Qui lui a remis le sac ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi Nemmouche a-t-il accepté de le convoyer ? La cour ne le saura pas. Sans parler de l'identité du «véritable» tueur, qualifié de «professionnel», et qui courrait donc toujours…

Parole est ensuite donnée à Virginie Taelman, deuxième conseil de Nemmouche. Elle, s'étonne du fait que le Roubaisien se soit laissé interpeller par les douaniers «alors qu'il avait dans sa poche le fameux pistolet. Cela ne colle pas avec le terroriste sanguinaire présenté jusqu'ici, dont la prétendue idole est Mohammed Merah [le tueur au scooter de Montauban et Toulouse, ndlr], alors qu'il s'en fiche comme de sa première chaussette. Mehdi Nemmouche a été courtois et poli avec les douaniers, ça nous fait un drôle de terroriste islamiste !»

Lors de son séjour en Syrie, à partir du 31 décembre 2012, Mehdi Nemmouche aurait fait partie des geôliers des quatre journalistes français retenus en otage dans les sous-sols de l'hôpital d'Alep. L'un d'eux, Nicolas Hénin, est formel sur ce point. Cité par le parquet fédéral pour explorer la personnalité de Nemmouche, il viendra témoigner en février, en compagnie de ses ex-camarades d'infortune. Une hérésie pour Me Laquay : «Si mon client devait s'être rendu coupable de ces faits, il sera condamné pour cela en France. Mais il n'a pas à en payer le prix deux fois. Hénin dit qu'il a été battu par Nemmouche mais Pierre Torres [son confrère photographe indépendant, ndlr] ne dit pas la même chose. Certains de ces otages rédigent des récits de plus en plus sensationnels, et vont en faire la promotion dans des émissions de divertissement afin d'en augmenter les ventes.»

La chute de la démonstration incombe à la troisième lame du trident, Sébastien Courtoy. Voûté sur son micro, il torpille, lui, plusieurs pièces à conviction du dossier, «falsifiées de toutes pièces par les policiers fédéraux». Ainsi, des photomontages ont été réalisés par les enquêteurs, «afin de confondre Mehdi Nemmouche». L'avocat somme enfin la cour de lever le voile sur l'implication du Mossad dans la tuerie. Une des victimes de la fusillade, Miriam Riva, 53 ans, y a travaillé il y a longtemps, comme civile, sur des missions administratives. Suffisant pour hystériser les réseaux sociaux depuis près de cinq ans. Le 24 mai 2014, elle effectuait un séjour touristique en Belgique, avec son mari Emmanuel. Après une telle énumération, que peut ajouter Mehdi Nemmouche ? Lui qui avait promis des explications lors de son procès opte finalement pour le silence. «Dans un premier temps.»