En ces temps de grand débat national, le gouvernement nous exhorte à débattre de nombreux sujets, mais surtout pas de celui-ci. Le «maintien de l'ordre» serait une affaire trop sérieuse pour qu'on puisse questionner ses moyens et ses résultats. Ses armes et ses blessés. Depuis plusieurs semaines, notre ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a choisi d'enfiler sa tenue d'agent de la circulation : «Circulez, y a rien à voir.» Donc rien à discuter. Rien ? Faut-il rappeler ici la centaine de blessés graves, recensés notamment par Libération, depuis le début du mouvement des gilets jaunes ? Trois manifestants ont perdu une main. Quatorze un œil. «La réponse des forces de l'ordre a été proportionnée aux violences des manifestants», répète à l'envi l'exécutif. Passons sur le caractère sommaire de l'argumentaire. Le «camp d'en face est violent, donc nous sommes violents». Ce genre de raccourci conduit très vite à légitimer tous les abus de droit. Or, en matière de maintien de l'ordre, la France n'est pas un modèle, mais plutôt une exception. Elle est un des très rares pays européens à utiliser des grenades explosives et des lanceurs de balle de défense (LBD). On a les comparaisons européennes qu'on veut. Le gouvernement aime vanter la compétivité de l'économie allemande, le poids de la fiscalité de nos amis britanniques, ou la flex-sécurité des pays scandinaves. Pourquoi alors ne pas se pencher aussi sur la police de tous ces pays, dont aucun n'utilise de telles armes contre ses manifestants ? Le patron de la préfecture de police de Paris avait lui même, l'année dernière, à la suite du rapport du Défenseur des droits, recommandé l'abandon des LBD. Avant de revenir en arrière face aux gilets jaunes. «A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels.»
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