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Libération
Merci de l'avoir posée

Le vote va-t-il devenir obligatoire grâce (ou à cause) des gilets jaunes ?

Unique remède à l’abstention pour les uns, démocratie à marche forcée pour les autres, cette vieille idée a refait surface dans la lettre aux Français du président de la République. Elle sera pour la première fois discutée dans le cadre du «grand débat national».
(Photo Loïc Venance. AFP)
par Julia Toussaint
publié le 17 janvier 2019 à 18h31

Le mouvement des gilets jaunes va-t-il aboutir à la mise en place du vote obligatoire en France ? La proposition – forcer les gens à se rendre aux urnes – peut surprendre, dans le contexte de défiance générale à l'égard de la classe politique. Pourtant elle figure dans l'arsenal de propositions listées par Emmanuel Macron dans sa lettre aux Français du 13 janvier, en vue du grand débat national. L'idée n'est pas neuve : elle revient régulièrement depuis des années, souvent en période électorale, mais n'a pourtant jamais été soumise au vote des députés, et ce, alors même que les Français y seraient majoritairement favorables.

Selon un sondage de la fondation Jean-Jaurès, ils étaient 67% en 2015 à se prononcer pour, à condition que la proposition soit assortie de la prise en compte du vote blanc. Une majorité (54%) considérait encore que l’obligation devait être accompagnée d’une sanction en cas de boudage des urnes, comme c’est le cas dans certains pays l’ayant mis en place. Exemple : la Belgique, le Luxembourg, le Danemark, où l’amende en cas d’abstention oscille entre 30 et 250 euros (jusqu’à 1 000 euros en cas de récidive).

«50% d’abstention»

En France, si l'inscription sur les listes électorales est bien une obligation, rien n'oblige les citoyens à se rendre aux urnes. L'idée d'un vote obligatoire à tous les scrutins, comme c'est le cas pour les grands électeurs lors des sénatoriales, est une mesure qui revient toutefois régulièrement sur la table, sans que ses défenseurs n'aient jamais réussi à la faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas faute d'avoir essayé : entre 2002 et aujourd'hui, une quinzaine de propositions de loi allant dans ce sens ont été présentées. La dernière, datant de janvier 2017, avait été soumise par le député PRG Stéphane Saint-André. Avant lui, deux ans plus tôt, François de Rugy proposait lui d'inscrire les mots «universel et obligatoire» à propos du vote dans le code électoral français, une mesure que l'actuel ministre de la Transition écologique et solidaire avait reprise pendant les primaires de la gauche, avec cet argument : «Quand vous avez 50% d'abstention à une élection, ce n'est plus un suffrage universel.»

Les partisans du vote obligatoire ont toujours présenté la mesure comme seul remède efficace contre l'abstention. La question est d'autant plus d'actualité aujourd'hui à l'approche des européennes, que pour ce scrutin, le taux de participation n'a jamais dépassé les 47% depuis 1994. Le fait que le président de la République l'envisage maintenant comme l'un des sujets possibles du grand débat national, en réjouira donc certains. Par exemple l'ancien ministre UMP des Transports, Thierry Mariani, qui vient opportunément de rejoindre le Rassemblement national (ex-Front national) pour les élections de mai. «Cet homme [Macron, ndlr] n'est pas complètement mauvais, il faut bien qu'il ait des idées judicieuses parfois», dit celui qui défendait la mesure en 2013. Avant d'ajouter : «Tout ça, c'est grâce à la mobilisation des gilets jaunes.»

Référendum d’initiative citoyenne

Paradoxalement, il n'est pas dit, pourtant, qu'une nouvelle mesure (contraignante), qui taperait de surcroît au porte-monnaie, passerait du côté du mouvement. «Aller voter est certes un devoir, mais M. Macron les respecte-t-il ses devoirs envers les Français ? Que les représentants politiques commencent par respecter leur programme, ensuite on verra», prévient Damien, gilet jaune de Seine-et-Marne. Il y a surtout plus urgent, selon lui : la question du pouvoir d'achat, celle de l'ISF, ou encore l'idée d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC)… Où l'on pourrait se prononcer pour ou contre le vote obligatoire ?