Exister enfin. En présentant jeudi sa nouvelle équipe, le délégué général de La République en marche (LREM), Stanislas Guérini, espère rendre une voix au parti présidentiel, dans l'ornière depuis les succès éclair de l'année 2017. «Il s'agit d'élargir massivement les fonctions opérationnelles», explique un cadre du mouvement, qui y voit une occasion de «refaire de la politique» et de «faire vivre un débat qui n'existe pas» ailleurs dans le camp macroniste.
La distribution des rôles sera annoncée jeudi matin par Stanislas Guérini. Le député de Paris, élu en décembre à la tête du mouvement, devrait notamment renforcer le secteur de la communication pour mieux «riposter» aux détracteurs du macronisme. La nouvelle équipe devrait recevoir le concours de plusieurs parlementaires, mais aussi de membres du gouvernement.
Selon plusieurs sources, la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa et le député Aurélien Taché, deux représentants de l’aile gauche du mouvement, devraient travailler en binôme au sein du pôle «Idées», tout comme les députés Laurent Saint-Martin et Guillaume Chiche. Un pôle «Elections» sera chargé de préparer les échéances européennes et municipales : le ministre chargé des Collectivités, Sébastien Lecornu, et le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, Jean-Yves Gouttebel, pourraient par exemple se voir confier la préparation des départementales de 2020.
Démobilisation
De quoi relever un parti plongé dans l'apathie depuis dix-huit mois ? LREM, qui fêtera début avril son troisième anniversaire, peut certes être considéré comme l'une des entreprises politiques les plus fructueuses de la Ve République : son fondateur a remporté la présidentielle dès sa première tentative et le mouvement est, dans la foulée, devenu majoritaire à l'Assemblée nationale. Son résultat aux législatives lui a aussi assuré un généreux financement public : il a perçu pour 2018 plus de 22,5 millions d'euros de subventions, soit plus du double du principal parti d'opposition à l'Assemblée, Les Républicains.
Mais les lendemains de la victoire ont été douloureux pour le jeune parti, qui n’a pas su trouver sa place dans l'«écosystème» macroniste, entre un exécutif écrasant et un groupe parlementaire pléthorique. Sans tradition militante, sans doctrine établie hors du programme présidentiel et d’un attachement déclaré au «progressisme», le mouvement a été confronté à la démobilisation d’une partie de sa base – qu’elle ait jugé sa mission accomplie après l’élection d’Emmanuel Macron, se soit découragée face aux difficultés croissantes du chef de l’État, ou ait été livrée à elle-même par un mouvement mal ancré au niveau local.
Construit par et pour Emmanuel Macron, LREM a en outre souffert, depuis son accession à l’Elysée, d’un leadership particulièrement flottant, entre périodes d’intérim et direction à mi-temps par Christophe Castaner, qui a cumulé le poste avec celui de secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement entre novembre 2017 et octobre 2018. Une période durant laquelle, de l’aveu de plusieurs «marcheurs», trop peu a été fait pour sortir le mouvement du fossé. Les mêmes veulent voir dans l’arrivée aux manettes de Stanislas Guérini le signal d’un nouveau départ, malgré les conditions particulières de son élection – une opposition de façade avec le député Joachim Son-Forget, qui a depuis multiplié les outrances et quitté LREM.
Buvette
Signe que la période est propice : selon ses responsables, le mouvement vivrait, ces dernières semaines, un retour de flamme militant. «C'est difficile à croire, mais nos comités locaux connaissent un regain d'adhésion, assure l'un d'eux. Et en deux mois, on a produit plus de campagnes militantes qu'en un an et demi.» Un effet gilets jaunes ? Si le mouvement a mis en lumière le profond rejet du chef de l'Etat dans une partie importante de l'opinion, il a aussi pu susciter, en retour, une remobilisation de ses sympathisants.
Interrogés par Libération, plusieurs cadres macronistes veulent croire désormais à un «retour de la politique» au sein du camp présidentiel, dont LREM serait le véhicule : «On intègre des poids lourds, sans avoir peur d'assumer des sensibilités divergentes, juge l'un d'eux. Il y aura au sein du parti un débat qui n'existe pas au sein du groupe à l'Assemblée.» Malgré un clivage de plus en plus visible entre ligne «budgétaire» et sensibilité sociale, ce dernier hésite à faire entendre une voix propre vis-à-vis de l'exécutif.
«Les réunions de groupe sont l'endroit où on se parle le moins, déplore un député. Il faut aller sur [la messagerie] Telegram ou à la buvette pour discuter politique. LREM peut devenir un espace de régulation au sein du mouvement.» Programme ambitieux pour un parti qui devra d'abord exister sur le terrain et prouver, aux européennes de mai, qu'il reste une machine électorale performante.