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Européennes

Les Républicains : Bellamy, le tradi qui fissure le parti

Proche de la Manif pour tous, anti-IVG, l’agrégé de philosophie de 33 ans, devrait être désigné mardi tête de liste LR pour les élections européennes. Mais ses positions divisent jusque dans son camp.
François-Xavier Bellamy en 2017. (Photo Romain GAILLARD. REA)
publié le 27 janvier 2019 à 19h46

Gérard Larcher dit les choses à sa façon. Avec sa bonhomie coutumière. Mais le président du Sénat ne les dit pas moins. Pour lui, la probable désignation de François-Xavier Bellamy comme tête de liste LR aux européennes de mai ne constitue pas le meilleur gage de «rassemblement». Cette nomination devrait être officialisée par la commission nationale d'investiture mardi. Non sans susciter des débats en son sein. «Pour le président du Sénat, Bellamy ne coche pas toutes les cases», précise un de ses proches conseillers. En début de semaine, le président de la Haute Assemblée a d'ailleurs rencontré en tête-à-tête Laurent Wauquiez pour lui faire part de ses réserves.

Motif de cette défiance, les propos de ce normalien catholique, agrégé de philosophie et premier adjoint au maire de Versailles, qui a réaffirmé son opposition à l'avortement à titre personnel, tout en précisant que, pour lui, il n'était pas question de «remettre en cause la loi Veil». «On a cherché à caricaturer mes positions», s'est-il défendu. Mais sa proximité avec la Manif pour tous et le mouvement des «veilleurs» est loin de faire l'unanimité au sein de son propre camp. Pour imposer son choix, Laurent Wauquiez argue non seulement du nécessaire renouvellement générationnel au sein du parti - Bellamy a 33 ans - mais aussi de celui des idées. Reste que sa personnalité, aussi brillante soit-elle, est jugée trop «clivante» par beaucoup au sein du parti. Contacté à plusieurs reprises par Libération, Bellamy n'a pas donné suite.

«Rétrécissement»

Et le président du Sénat n'est pas le seul à exprimer ses réticences. Eric Woerth, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, s'interroge sur «la stratégie du rétrécissement d'un parti de plus en plus conservateur. Je n'ai rien contre François-Xavier Bellamy. Je ne le connais pas. Je suis très heureux que l'on renouvelle le parti mais Les Républicains doivent retrouver l'état d'esprit de l'UMP, celui d'un parti ouvert à toute la droite». Le casting n'emballe pas plus le président du groupe LR à l'Assemblée, Christian Jacob, selon lequel «François-Xavier Bellamy fait partie des candidats qui peuvent tout à fait représenter LR, mais il y a beaucoup d'autres candidats possibles. Il est beaucoup plus conservateur que je ne le suis ou que d'autres le sont. Il y a une ligne rouge, pour moi, c'est la défense de la loi Veil sur l'IVG».

Sauf que les plans B ne se bousculent pas au portillon. Le nom de Geoffroy Didier, député européen sortant et porte-parole du parti, a été évoqué et soutenu par Bernard Accoyer comme par l'ancien Premier ministre Edouard Balladur. Celui d'Arnaud Danjean, député européen et spécialiste des questions de défense, a aussi été évoqué. Mais les deux noms n'auront fait qu'un petit tour de piste. Depuis le début, deux fidèles parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux et le sénateur Pierre Charon poussent quant à eux Laurent Wauquiez à conduire lui-même la liste. «Et ce n'est pas un piège !» jure le sénateur de Paris la main sur le cœur. «Il n'en est pas question», a toujours martelé le patron de LR. «Si tu n'y vas pas et que l'on fait un mauvais score, ta tête risque de sauter comme un bouchon de champagne», l'a prévenu, encore très récemment, son conseilleur politique Brice Hortefeux sur un ton sans appel. «Pour le moment, Bellamy, comme un candidat à l'Académie française, fait la tournée des hiérarques du parti. Mais il faut vraiment faire attention à ce que ce ne soit pas une fausse bonne idée», alerte quant à lui Pierre Charon, qui glisse ne pas avoir été consulté par l'impétrant. «Une faute quand on connaît sa capacité de faire et de défaire», affirme un proche de Wauquiez.

A défaut d'être houleuse, la réunion de la commission nationale d'investiture de LR risque de donner lieu mardi à des débats non seulement sur la ligne suivie par son président mais également sur la composition de la liste elle-même. S'il ne fait pas un casus belli de la désignation de François-Xavier Bellamy comme tête de liste, «Gérard Larcher a bien précisé, lors de ses vœux à la presse au Sénat, qu'il serait très attentif à la manière dont celle-ci serait échafaudée», rappelle la secrétaire générale de LR, Annie Genevard, députée du Doubs. Un souci partagé par Christian Jacob qui tient à ce que l'équilibre entre «les différentes sensibilités [du parti] soit respecté».

«Subtilité»

Pour Wauquiez, l'équation risque de se transformer non pas en casse-tête mais en supplice chinois. Au vu des sondages qui créditent LR de moins de 10 % des intentions de votes, les places éligibles vont être très chères. «Si, effectivement, le renouvellement est à l'ordre du jour avec François-Xavier Bellamy, alors il ne faut pas que Hortefeux, Dati et Morano soient renouvelés», réaffirme un des jeunes députés LR élu en 2017 malgré la débâcle. Ce petit groupe, venu en délégation auprès de Wauquiez, lui avait déjà adressé la même requête. Sans compter le renouvellement de quelques députés sortants qui font autorité en leur domaine comme Danjean sur les questions de défense. Un opposant interne au président de LR fait part de son inquiétude : «La composition d'une liste génère toujours des mécontentements. C'est dans la nature de l'exercice. Après encore faut-il savoir les gérer avec subtilité. Et ce n'est pas dans ce domaine que Laurent Wauquiez sait se montrer le plus adroit.»