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Libération
Éditorial

Prioritaire

publié le 27 janvier 2019 à 18h26

C'est une évidence mais mieux vaut le rappeler, car beaucoup ont tendance à l'oublier : les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain. Et, comme le souligne l'enquête que nous publions, les mineurs en danger courent de grands risques de devenir délinquants s'ils ne sont pas sortis à temps d'une famille dysfonctionnelle. «Aujourd'hui, je pose malgré moi les graines de la délinquance», déplore ainsi cette éducatrice rongée par la culpabilité d'être arrivée trop tard pour aider un mineur avant qu'il ne se retrouve impliqué dans un trafic de drogue, faute de moyens pour le protéger, et notamment d'une structure d'accueil. Phrase accablante qu'il faudrait graver sur les frontons de tous les établissements publics chargés de la protection de l'enfance. Et qui devrait rendre ce secteur hautement prioritaire. Car le constat est terrible pour le mineur concerné, mais aussi pour l'éducateur impuissant et, au-delà, pour la profession tout entière, qui suscite de moins en moins de vocations tant le métier est devenu impossible. C'est un cercle vicieux sans fin. Et l'on ne parle même pas de ces jeunes de 18 ans soudain à la rue car considérés comme des adultes. Il aura fallu plusieurs manifestations et appels au secours de travailleurs sociaux et de juges des enfants pour que le gouvernement prenne la mesure du drame. La nomination en urgence, vendredi, d'un secrétaire d'Etat à la protection de l'enfance parviendra-t-elle à limiter la casse ? On en aura un aperçu ce lundi avec le plan que doit dévoiler le gouvernement. Le temps presse car, parallèlement, le nombre de mineurs étrangers en déshérence ne cesse de croître et les moyens manquent là aussi cruellement. «Il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir», disait Graham Greene. Aujourd'hui, beaucoup de ces mineurs en souffrance aimeraient surtout qu'une porte s'ouvre et laisse entrer l'enfance.