Jusque-là elles patinaient. Désormais, les discussions entre partenaires sociaux pour répondre à la commande de l'exécutif de réformer l'assurance chômage sont au point mort. «On suspend la négociation sans éclaircissement de l'exécutif. Si la fin de l'histoire est écrite autant qu'Emmanuel Macron écrive le reste», s'agace le numéro 1 de la CPME sur Twitter, François Asselin. Ce lundi matin, l'organisation patronale des petites et moyennes entreprises a fait savoir, par communiqué, qu'elle ne participerait pas aux prochaines séances de négociations entre syndicats et patronat. Son but : contrer la «détermination» du Président, Emmanuel Macron, à mettre en place le bonus-malus sur les contrats courts. Et ce, «jusqu'à nouvel ordre». Dans la foulée, le Medef, dont la direction était réunie ce lundi matin, a aussi décidé de «suspend[re] sa participation à la négociation sur l'assurance chômage», en attendant «une clarification du gouvernement». Puis, l'U2P (artisanat, commerce et professions libérales) a fait de même. «C'est un très très mauvais signal, fait savoir Marylise Léon, numéro 2 de la CFDT. Quand on suspend une négociation c'est difficile de la reprendre.» De quoi chambouler le calendrier de la réforme prolongé jusqu'au 20 février.
Plan B
C’est une petite phrase du président de la République, jeudi, qui a attisé le courroux du patronat. Lors de sa rencontre avec des citoyens dans la Drôme, il a réaffirmé sa volonté de lutter contre la précarité en régulant les contrats courts grâce à un système de «bonus-malus». Bête noire du patronat, ce dernier vise à moduler les cotisations chômage de l’employeur en fonction du taux de rupture de contrats de travail. L’idée n’est pas neuve puisqu’elle était déjà dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Mais en confiant fin septembre la mission aux partenaires sociaux, l’exécutif avait toutefois mis du plomb dans l’aile à cette promesse présidentielle. Le deal semblait le suivant : si les syndicats et le patronat parvenaient à se mettre d’accord sur une autre formule convaincante, elle serait appliquée. Quant au bonus-malus, il était donc rétrogradé en plan B, applicable seulement en cas d’échec des négociations et de reprise en main du dossier par le gouvernement. Jusqu’à ce que le doute soit semé, jeudi.
«Le président de la République vient d'intervenir publiquement, semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation», regrette le Medef qui devait présenter jeudi aux organisations syndicales ses propositions. «Tous les efforts menés par les négociateurs pour déprécariser les contrats courts ont ainsi été balayés d'un revers de main», dénonce de son côté la CPME, tout en s'interrogeant sur «la volonté réelle du président de la République de laisser une chance d'aboutir à une autre solution, par le dialogue et la négociation sociale». Nuance, tout de même, la semaine dernière, en sortant du dernier round de négociation, les représentants syndicaux faisaient grise mine, jugeant que les échanges n'avaient guère permis d'avancer. C'est une «course de lenteur qui va dans le mur», résumait Denis Gravouil de la CGT.
«Patatras»
En coulisse, du côté du Medef, on prétend toutefois l'inverse, laissant entendre qu'un terrain d'entente était plus ou moins trouvé entre l'organisation patronale et la CFDT. «On s'acheminait doucement vers un accord en écartant d'un côté le bonus-malus et en acceptant des économies plus modérées», explique un proche du dossier. Soit un effort en dessous des 3 milliards à 3,9 milliards d'euros sur trois ans demandé par le gouvernement. Au programme de cette «ébauche», seulement des «pistes», concède-t-on du côté du Medef. «Mais patatras, jeudi soir, le président de la République a fait cette déclaration. Du coup, c'est assez mal barré. On est revenu quasiment au début de la négociation», note cette même source. Dommage, poursuit-il, en regardant du côté des gilets jaunes : «Cet accord aurait permis de montrer que les partenaires sociaux ça a encore un sens.» Un scénario auquel le Medef, qui «laisse la porte ouverte», veut encore croire.
A la CFDT, en revanche, on ne se souvient pas d'une telle entente naissante avec le Medef. «Cela fait trois semaines qu'ils nous disent qu'ils ont une proposition à nous faire mais on ne voit rien, assure Marylise Léon, chargé des négociations pour la centrale de Belleville. Mais pour nous, il est hors de question de renoncer au bonus-malus.» Dès le matin, sur RMC, son patron, Laurent Berger, avait prévenu : «Le patronat portera la responsabilité de l'échec de ces négociations». Un avertissement qui se voulait aussi une main tendue : «S'il n'y a pas dans l'accord de mesures très fortes pour responsabiliser ces employeurs qui surabusent de ces contrats courts, il y a aura un bonus-malus à la fin.»