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Mesures d'urgences «gilets jaunes» : un «rééquilibrage» qui n'a pas affecté les très riches

Une nouvelle étude de l'OFCE confirme l'apport en «pouvoir d'achat» des mesures inscrites au budget 2019 en faveur des «ménages les moins aisés». Sur deux ans, les 5% des Français les plus riches sont toujours les grands gagnants de la politique fiscale d'Emmanuel Macron.
publié le 29 janvier 2019 à 18h11

Un «rééquilibrage rapide et massif en faveur des ménages moins aisés». Les 10 milliards d'euros votés en catastrophe, fin 2018, pour tenter d'éteindre la colère des gilets jaunes n'ont, semble-t-il, pas manqué leur cible. Après l'Institut des politiques publiques, c'est au tour de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) de Sciences-Po Paris de faire ce constat. Annulation de la hausse de CSG pour une partie des retraités, défiscalisation des heures supplémentaires, annulation des hausses de taxes sur les carburants, revalorisation et élargissement de la prime d'activité… Tout cela devrait, selon l'organisme classé à gauche, rendre 0,7 point de pouvoir d'achat à ces «ménages moins aisés».

Mais même sans ces gestes supplémentaires pris par l'exécutif sous la pression, les classes moyennes auraient, selon l'OFCE, bénéficié dans leur grande majorité des mesures inscrites dans la loi de finances pour 2019 mais aussi de celles votées en 2018 et qui tourneront cette année à plein régime. «Les ménages du milieu de la distribution [autrement dit les classes moyennes, ndlr] bénéficieront en priorité de la baisse de la taxe d'habitation, des cotisations salariées, de la CSG et de la défiscalisation des heures supplémentaires, une partie des ménages modestes verront en moyenne leur niveau de vie soutenu par la forte revalorisation de la prime d'activité́, la mise en place du zéro reste à charge et l'augmentation du chèque énergie», soulignent les trois économistes, Pierre Madec, Mathieu Plane et Raul Sampognaro dans une note de treize pages rendue publique ce mardi.

La moitié des retraités toujours perdants

«En moyenne, les mesures devraient augmenter le revenu par ménage de 440 euros», calculent-ils. Selon eux, les heures supplémentaires défiscalisées rapporteront en moyenne 140 euros de plus dans l'année et la baisse de la taxe d'habitation gonflera, elle, les budgets français de 150 euros. Quant à la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, elle rapportera, en moyenne aussi, 150 euros par ménages.

Cependant, précisent les auteurs de la note, ces «effets moyens cachent […] des effets différenciés importants». Selon eux, «si trois ménages sur quatre devraient bénéficier positivement des mesures de pouvoir d'achat annoncées, près d'un quart subirait un impact négatif sur leur revenu disponible». Parmi eux : les «inactifs» victimes de la moindre revalorisation des pensions de retraite et de certaines prestations sociales. Pour l'OFCE «près de la moitié́» des retraités «devrait y perdre». Notamment les retraités aisés mais aussi, précise l'étude, beaucoup de ménages présentant «un revenu disponible inférieur à 1 440 euros par mois et par unité de consommation».

Les 5% les plus riches toujours «grands gagnants»

Ce «rééquilibrage» ne va pas, en revanche, jusqu'à gêner les plus riches qui ont grandement bénéficié, en 2018, de la réforme de la fiscalité du capital (transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en simple impôt sur la fortune immobilière et mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital). «Les ménages parmi les 5 % les plus aisés, grands gagnants de la réforme de la fiscalité́ du capital intervenue en 2018, verront également leurs revenus soutenus par certaines mesures socio-fiscales de 2019, avec en premier lieu les baisses de cotisations en année pleine», rappelle ainsi l'OFCE, qui précise qu'à la fin de l'année ces très riches «enregistreront encore en moyenne un gain de pouvoir d'achat supérieur en euros à celui du milieu de la distribution des revenus», soit – en moyenne – plus de 2 000 euros en plus par ménages.

Autres gagnants du cumul des années 2018-2019 : les ménages situés au-dessus de la barre des 10% des Français les moins aisés et celle des 30% les plus riches. En moyenne, ces ménages récolteraient entre 200 euros de plus par an pour les premiers et 600 euros pour les derniers. Qui seraient perdants ? Les ménages très pauvres – les 5% des Français les moins aisés – dont le «rattrapage» de 2019 corrige à peine les effets néfastes de 2018. Mais également… certains riches. Les foyers aisés situés au-dessus du seuil des 15% des Français les plus riches mais avant les fameux 5% voient un effet nul voire négatif sur leurs revenus. La suppression totale (et pour tous) de la taxe d'habitation en 2021 devrait changer la donne.