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Libération
Éditorial

Vindicte

publié le 29 janvier 2019 à 20h46

On ne peut pas contenter tout le monde et son riche. Chacun sait que les allégements fiscaux décidés en début de quinquennat en faveur des plus favorisés sont comme une tunique de Nessus endossée par Emmanuel Macron. Choix tout à fait conscient : le nouveau président en espérait un «choc de confiance» qui aurait vu les «premiers de cordée» soudain rassérénés par son indulgence fiscale doper l'investissement et donc la croissance. Par ruissellement interposé, il tablait sur cette sérénité retrouvée pour favoriser l'embauche et faire reculer enfin significativement le chômage, ce mal français. Las ! Non seulement ce «choc de confiance» n'a pas eu lieu - l'activité a plutôt ralenti depuis son arrivée au pouvoir - mais les faveurs concédées aux «1%» ont aussi alimenté la colère populaire et nourri les revendications formulées sur les ronds-points. La révolte anti-impôts des «gilets jaunes» s'est vite changée en vindicte fiscale envers les plus riches, confirmée par des sondages qui démontrent la popularité des mesures de justice redistributive. Arrive donc l'heure douloureuse du «en même temps», qui doit maintenant faire passer à la caisse ceux qui ont été jusqu'ici épargnés par les lois de finances. Juste retour des choses, tant il est vrai que dans toutes les nations développées, les classes dirigeantes ont été les principales bénéficiaires d'une mondialisation aussi irrésistible qu'inégalitaire. Parmi les leviers qui s'offrent au gouvernement, une plus forte taxation des gros héritages serait le plus équitable. Mais l'allergie des Français aux droits de succession, même ceux qu'ils ne paient pas, fera sans doute reculer Bercy. Reste l'instauration d'une tranche supplémentaire de prélèvement sur les hauts revenus, mesure simple et juste. Les «premiers de cordée» grimaceront ? Certes. Mais c'est le prix à payer pour ramener un semblant de concorde dans le pays.