Encore un dogme qui se fêle. Depuis que le grand vent libéral souffle sur les gouvernements de la planète, il était entendu que l'Etat devait en priorité se délester des activités qui ne ressortissaient pas de la stricte logique du service public, au profit de compagnies privées mieux à même de remplir les mêmes fonctions. Privatisez ! Privatisez ! C'était la loi et les prophètes. L'enquête menée par Libération sur le cas des sociétés privées d'autoroute, remis sur le devant de la scène par le mouvement des gilets jaunes, montre que cette croyance souffre, pour le moins, de sérieuses faiblesses. Concédée au secteur privé il y a une décennie, l'exploitation du réseau autoroutier français aboutit à un résultat caricatural. Certes, Vinci, Eiffage et les autres, sociétés fort compétentes, ont offert aux automobilistes un service de qualité. Mais à un prix exorbitant. Cumulés sur dix ans, les bénéfices reversés à leurs actionnaires dépassent largement le coût d'acquisition initial des concessions. Ainsi l'Etat a-t-il fait une mauvaise affaire en vendant la poule aux œufs d'or. Et surtout les automobilistes concernés ont vu les tarifs de péage s'envoler bien au-delà de ce qui était nécessaire pour assurer la juste rémunération des sociétés concernées. Incompétence ou connivence ? Le contrat de concession signé à l'époque par le gouvernement Villepin était en fait un marché de dupes. Par toutes sortes de clauses annexes, les sociétés d'autoroute ont réussi, en respectant la lettre des accords, à tondre les automobilistes et à priver l'Etat de ressources utiles. Une amère leçon qui prend un sens supplémentaire au moment où le même Etat s'apprête à concéder au privé la gestion des Aéroports de Paris et celle de la Française des jeux. Voilà qui mérite, pour le moins, d'y réfléchir à deux fois avant de souscrire une nouvelle fois aux saintes écritures du tout-marché.
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