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Libération

Viol au «36» : sept ans ferme pour les policiers

publié le 31 janvier 2019 à 21h16

Les deux accusés se sont avancés à la barre de la cour d'assises de Paris dans un silence de cathédrale. Une dernière fois, ils ont affirmé ce qu'ils n'ont cessé de répéter depuis leur première garde à vue en 2014 : ils sont innocents. «Toute ma vie, j'ai eu de bons rapports avec les femmes. Je ne suis pas un violeur, je ne suis pas un violeur, je ne suis pas un violeur», a insisté Nicolas R., la voix brouillée par les larmes. Quant à Antoine Q., il a planté ses yeux dans ceux des jurés pour soutenir : «Je n'ai jamais violé cette femme, c'est ma vie que vous avez entre vos mains, je vous fais confiance.»

Il était 10 heures, jeudi matin, quand les jurés se sont retirés dans la salle des délibérations pour décider de l’issue judiciaire de ce dossier complexe, pour donner leur intime conviction sur ce qui s’est passé le 22 avril 2014 dans le bureau 461 du 36 Quai des Orfèvres. Pendant deux semaines et demie, ils ont navigué en eaux troubles entre mensonges et incohérences de chaque côté de la salle d’audience. Ils ont épluché les expertises, entendu les témoignages, faisant pencher la balance tantôt d’un côté ou de l’autre, et longuement écouté les deux anciens policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) assis sur le banc des accusés, et la plaignante, à l’époque touriste canadienne en goguette à Paris. Ils ont plongé dans l’intimité de chacun, traqué les contre-vérités, cherché à éclairer les flous.

Pour finalement se retrouver écartelés entre deux lectures antagonistes du dossier. Celle proposée par l'avocat général, Philippe Courroye, qui leur a demandé de suivre son «intime conviction» - «cette nuit-là, Emily S. a été victime de rapports sexuels imposés» - et de condamner les accusés à une peine de sept ans d'emprisonnement pour «viol en réunion». Et celle des avocats de la défense qui, eux, les ont exhortés à se concentrer sur «un dossier vide», sur «l'absence de preuves matérielles» et le principe fondamental qui en découle : le doute doit profiter à l'accusé.

Lorsque les jurés reviennent dans la salle d'audience, il est près de 18 heures. Les deux accusés, qui comparaissaient libres, reprennent place sur leur chaise. Et le président, Stéphane Duchemin déclare : «Ils ont été reconnus coupables du viol en réunion d'Emily S.» Et d'expliquer : la cour a été «convaincue» par «les déclarations constantes de la victime» et par «les éléments scientifiques et techniques», dont les expertises ADN et les analyses de la téléphonie. Le président a également souligné «la particulière gravité des faits» et le lieu de leur commission. Finalement, la peine prononcée est conforme aux réquisitions : sept ans d'emprisonnement. Les deux accusés, qui ont été menottés et devaient dormir derrière les barreaux, devront verser 20 000 euros de dommages et intérêts à la victime.