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Libération

Prostitution : les «sages» valident la pénalisation du client

publié le 1er février 2019 à 19h56

Vendredi matin, les «sages» du Conseil constitutionnel ont tranché : non, la pénalisation des clients ne porte pas atteinte aux droits et libertés des personnes prostituées. Et non, cette mesure centrale de la loi «visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel» ne sera pas abrogée (lire Libération de vendredi).

Depuis son adoption controversée en 2016, «l'infraction de recours à l'achat d'actes sexuels» (les clients encourent une amende de 1 500 euros, 3 750 euros en cas de récidive) est au cœur d'un bras de fer entre ses défenseurs et ses détracteurs. Il y a deux mois et demi, ces derniers ont ainsi déposé une question prioritaire de constitutionnalité au nom de la non-conformité de cette disposition législative au «droit à la vie privée et à l'autonomie personnelle», au «droit à la liberté d'entreprendre» ainsi qu'au «principe de nécessité et de proportionnalité des peines». Des arguments qui n'ont pas convaincu l'institution.

«Le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions, de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d'autre part, la liberté personnelle», ont jugé les membres du Conseil constitutionnel. Ils justifient ainsi leur décision : «Le législateur a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l'existence d'une demande de relations sexuelles tarifées. En faisant le choix par les dispositions contestées de pénaliser les acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu […] assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.»

Dans un communiqué publié dans la foulée, le Mouvement du nid et Osez le féminisme, parties intervenantes dans cette procédure, «se réjouissent» de la décision du Conseil constitutionnel «qui voit la loi abolitionniste confortée». De son côté, Médecins du monde (l'une des associations à l'initiative de cette QPC) dénonce «une décision dangereuse et politique» et réitère son intention «d'alerter sur les conséquences délétères» de cette mesure pour les prostituées, «qu'elles soient travailleuses du sexe ou victimes de réseaux».

Lors de l’audience du 22 janvier devant les juges constitutionnels, les parties requérantes (Médecins du monde, mais également le Planning familial, Aides, le Syndicat du travail sexuel, etc.) avaient dénoncé une disposition législative inefficace, voire contre-productive, qui ne ferait que fragiliser davantage les personnes prostituées. A contre-courant des associations propénalisation, qui voient dans cette mesure le seul de moyen de lutter concrètement contre les réseaux de proxénétisme.