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Libération

Brexit: trois secteurs sur leurs gardes

Une voiture immatriculée en Grande-Bretagne, sur l’A7, en avril 2016. ( PHOTO STÉPHANE AUDRAS. REA)
publié le 5 février 2019 à 20h26

Agroalimentaire: les exportateurs craignent de récolter la tempête

De tous les secteurs, c'est l'un de ceux qui ont le plus à perdre dans la perspective d'un hard Brexit. La France est, après les Pays-Bas, le deuxième plus gros fournisseur de produits agricoles et agro-alimentaires au Royaume-Uni, pour un montant annuel de 5,9 milliards d'euros. Déjà affaiblis par la dégringolade de la livre sterling depuis le référendum sur la sortie de l'UE qui a mécaniquement renchéri les prix, les exportateurs français de viande, produits laitiers ou encore vins et spiritueux ont tout à redouter de l'instauration de droits de douane. Selon le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), les échanges agroalimentaires des Vingt-Sept vers le marché britannique pourraient chuter jusqu'à 60 % avec la mise en place de barrières commerciales appliquant les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour les produits laitiers - la France fournit 20 % des importations britanniques dans ce domaine, dont plus de la moitié sont des fromages -, les droits de douane pourraient par exemple passer à 41 %, estime le Cepii. Un cataclysme, qui frapperait également très durement les exportateurs de viande blanche vers le Royaume Uni.

Les producteurs de vins et spiritueux hexagonaux, dont le Royaume-Uni est le deuxième client étranger (derrière les Etats-Unis mais devant la Chine), y écoulent eux pour 1,32 milliard d'euros de marchandise chaque année. En 2017, 27,8 millions de bouteilles de champagne ont été consommées outre-Manche, rapportant 415 millions d'euros. Les entreprises françaises sont dans une «situation d'incertitude totale», souligne Antoine Leccia, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, qui redoute des «effets lourds de conséquences pour l'économie et les citoyens des deux parties».

Aviation: Airbus assure ses arrières

C'est ce qu'on appelle ne pas mâcher ses mots. Le 24 janvier, le PDG d'Airbus, Tom Enders, a pour la première fois clairement évoqué l'hypothèse d'un désengagement du Royaume-Uni, le troisième pays le plus important pour l'avionneur européen après la France et l'Allemagne. «N'écoutez pas la folie des partisans du Brexit qui croient que, parce que nous avons d'importants sites industriels au Royaume-Uni, nous ne bougerons pas et nous serons toujours là. Ils se trompent», a-t-il averti.

Outre les 4 à 4,5 % de droits de douane qui s’appliqueraient sur les pièces et composants et les problèmes de certification, Airbus s’inquiète du ralentissement de ses chaînes d’assemblage que risque de provoquer un «no deal». Des répercussions du Brexit, donc, sur sa très huilée «chaîne de valeur» qui, comme dans l’industrie automobile, voit les mêmes biens traverser plusieurs fois la Manche à différents stades de fabrication.

Pour alimenter ses deux usines au Royaume-Uni, PSA mobilise chaque jour 700 camions et un délai supplémentaire à la douane, ne serait-ce que de quelques minutes, peut désorganiser et renchérir tout le système d’approvisionnement. Un casse-tête anticipé par Airbus, qui a commencé à stocker outre-Manche de quoi faire face à un mois de pénurie de pièces. Cette simple précaution se chiffrerait déjà en dizaines de millions d’euros. Et pourrait, demain, concerner l’ensemble des grandes entreprises, en attendant un hypothétique accord ou le déménagement de leurs usines.

Tourisme: la manne anglaise scrutée de près

Brexit ou pas, le succès de la destination France auprès des ressortissants britanniques ne se dément pas. Depuis le vote sur le Brexit en juin 2016, ces derniers ont même renforcé leur position de première clientèle étrangère dans l’Hexagone. En 2017, 14,7 % des arrivées de touristes en France provenaient du Royaume-Uni, (12,7 millions d’entrées). L’été 2018 n’a pas démenti cette tendance : selon la Banque de France, les Britanniques ont été les plus dépensiers des visiteurs étrangers en juillet-août avec un total de 1,9 milliard d’euros, 13,6 % de plus que l’année précédente.

Un no deal mettra-t-il un coup de frein à cet afflux ? C'est peu probable à court terme, répondent les professionnels du tourisme, qui soulignent les dispositions prises par le gouvernement afin de permettre aux Britanniques de continuer à venir en France sans visa. Mais l'inquiétude est bien là, à commencer par la baisse du pouvoir d'achat des Anglais lorsqu'ils se rendent en zone euro. «On les voit encore nombreux cette année dans les stations de ski, où ils représentent environ un tiers de la fréquentation étrangère, mais cela va-t-il durer ?» s'interroge un professionnel. A partir du 1er avril, les diplômes des moniteurs britanniques ne seront théoriquement plus valables en France. La situation va aussi se compliquer pour de nombreux saisonniers, indispensables à la bonne marche des stations. Les opérateurs de domaines skiables s'en inquiètent. Les aéroports secondaires comme Clermont-Ferrand ou Bergerac, qui vivent quasi-exclusivement des vols de compagnies low-cost britanniques, craignent également un tassement.