C'est un peu la version comptable d'Un jour sans fin, ce film où Bill Murray revit encore et encore la même journée. Dans son rapport public annuel, présenté ce mercredi matin à la presse, la Cour des comptes met à nouveau en garde le gouvernement, jugeant «préoccupante» la situation des finances publiques, «fragiles» les prévisions économiques de l'exécutif et trop nébuleux ses projets d'économie. Et l'institution préconise, comme chaque année ou presque, un vigoureux effort de «redressement» des comptes de l'Etat.
Ces avis interviennent alors que le gouvernement s'est éloigné de ses engagements budgétaires initiaux, sous l'effet du ralentissement de la croissance et de dépenses inattendues. En réponse à la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron a annoncé le 10 décembre une série de mesures de pouvoir d'achat, prévoyant notamment l'annulation des hausses de taxe sur le carburant, la défiscalisation des heures supplémentaires et la hausse de la prime d'activité, pour un coût total d'environ 11 milliards d'euros.
«Peu de marges de manœuvre»
Au terme de l'exercice 2018, «les déficits publics resteraient élevés [et] la dette publique rapportée au PIB augmenterait encore», écrit la Cour, constatant que «la France est désormais l'un des pays les plus endettés en Europe, après la Grèce, l'Italie, le Portugal et la Belgique». Et si le budget 2019 est censé entraîner «une amélioration limitée» des comptes publics, l'institution met en doute les hypothèses sur lesquels est construit celui-ci: le scénario «ne tient pas compte» de la dégradation du climat international, qui pourrait réduire la croissance; ni, à l'inverse, des annonces sociales de décembre, qui pourraient l'alimenter.
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D'autres incertitudes pèseront sur les finances publiques en 2019, juge la Cour des comptes, notamment l'introduction du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu : la réforme pourrait provoquer une hausse… ou une baisse de 2 milliards d'euros du produit de l'impôt. Dans ce contexte, le respect des engagements budgétaires du gouvernement supposerait «des économies ou des recettes supplémentaires». Celles-ci ont été «annoncées, mais non documentées», soupire la Cour, qui déjà en 2018 priait l'exécutif de sortir du flou concernant ses mesures d'économies.
Plus ouvertement critique cette année, l'institution de la rue Cambon dénonce «l'insuffisance et la grande fragilité du redressement opéré jusqu'à présent», craignant que «le haut niveau d'endettement public et […] de déficit public laisse peu de marges de manœuvre en cas de retournement de la conjoncture ou de situation de crise». Le genre d'avertissement qu'Emmanuel Macron, champion déclaré du sérieux budgétaire, ne prévoyait pas de recevoir après deux ans de mandat.