Menu
Libération

Le plus mal payé des salariés plus imposé que les actionnaires ?

publié le 8 février 2019 à 19h26

Sociologues à la retraite, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, en promo de leur dernier ouvrage (1), répètent à l'envi une formule choc censée illustrer l'injustice fiscale de Macron. Dans Libé du 29 janvier, ils affirment ainsi : «Macron a aussi procédé à la création d'un prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) sur les revenus du capital [de 30 %]. Le gouvernement a oublié de préciser que ce chiffre comprend aussi [les prélèvements sociaux]. Au final, l'impôt forfaitaire en tant que tel n'est que de 12,8 %. Cela signifie que le plus mal payé des contribuables paie plus en impôts sur le revenu que le plus riche des actionnaires sur chaque euro de dividendes perçus.» Sur le Média, Monique Pinçon-Charlot précise : «[Avec 12,8 %], l'impôt sur le capital est en dessous de la première tranche d'impôt à 14 %».

Le plus mal payé des contribuables salariés payerait donc 14 % d'impôt sur le revenu (IR), contre 12,8 % pour les revenus financiers ? Première chose : plus de la moitié des contribuables (parmi lesquels les salariés les moins payés) ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. Et parmi les salariés imposables à l'IR, tous, loin de là, ne sont pas imposés à un taux global d'au moins 14 %, même si leurs revenus atteignent le taux marginal de 14 %. L'IR est en effet un impôt progressif, qui impose les revenus par paliers. Si un salarié gagne par exemple 25 000 euros net par an, soit 2 083 euros par mois, on va d'abord lui appliquer un abattement général de 10 %, soit 2 500 euros. Son revenu annuel soumis au barème sera donc de 22 500 euros. Sur ses 9 964 premiers euros, il sera imposé à 0 % (1re tranche), soit 0 euro. Ce n'est que sur la partie comprise entre 9 964 euros et 22 500 euros qu'il sera prélevé à hauteur de 14 %. C'est-à-dire sur une somme de 12 536 euros. Ce qui donne 1 755 euros d'impôts, soit un taux d'imposition de 7 % [1 755 euros / 25 000 euros x 100], et non pas 14 %. Bref, un taux près de deux fois inférieur à celui des revenus mobiliers, imposés dès le premier euro à 12,8 %. En réalité, pour atteindre un taux global d'imposition à 12,8 %, et être ainsi imposé davantage que les revenus mobiliers, il faut gagner plus de 40 500 euros net par an, soit plus de 3 375 euros par mois. Cela correspond en effet à 5 137 euros d'impôts, soit un taux global d'imposition de 12,7 %. Or à plus de 3 375 euros par mois, on fait partie des 20 % des salariés les mieux rémunérés.

(1) Le Président des ultra-riches, La Découverte, Zones