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Libération
Éditorial

Casse-tête

publié le 10 février 2019 à 20h56

Le jaune est une couleur qui déteint. En apparence, il n’y a guère de parenté entre le mouvement social qui agite le paysage français depuis trois mois et le mécontentement diffus qui traverse le corps enseignant. Ministre largement respecté pour sa connaissance du milieu, Jean-Michel Blanquer donne le sentiment de tracer son sillon sans grande opposition. Les appels à la grève ou à la manifestation classiquement lancés par les organisations syndicales pour contester ses projets de réforme ont fait chou blanc, avec un nombre de grévistes modeste et des défilés très minoritaires. Mais c’était déjà le cas dans le paysage social en général. Le gouvernement Philippe, pendant un an, a pu mener ses réformes au pas de charge sans rencontrer d’obstacle sérieux. Puis tout s’est déréglé d’un coup et une maladroite taxe sur l’essence a mis le feu à la plaine. Force tranquille qui change l’école à son rythme, Jean-Michel Blanquer est-il exposé aux mêmes et brusques déconvenues ? Les chiffres nationaux disent non. Mais la multiplication des formes de protestation nouvelles, venues de la base, diverses, inattendues - grève des notes, «nuit des lycées», démissions collectives… - sont autant de signaux faibles qui peuvent déboucher sur une forte mobilisation. Comme parfois les friselis discrets précèdent la tempête. L’objet de la discorde ? Toujours le même, au fond. Des moyens qui ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et la crainte subséquente de voir les inégalités scolaires s’aggraver quand on se fait fort de les réduire. Blanquer n’est pas le premier ministre de l’Education à se heurter à ce casse-tête. En dépit d’innombrables réformes, l’école n’assure toujours pas l’égalité des chances entre classes sociales. Mais de cet échec qui vient de loin, le ministre en titre porte généralement le chapeau. Serait-il plus habile que les autres ?