Il persiste. Quatre jours après sa sortie en Bretagne devant des patrons de PME sur les «contreparties» qu'il serait légitime de demander aux bénéficiaires d'aides sociales, le Premier ministre en a remis une louche ce mardi après-midi durant la séance des questions d'actualité à l'Assemblée nationale. Interrogé par Eric Straumann, député LR du Haut-Rhin – département ayant imposé sept heures hebdomadaires de bénévolat aux allocataires du RSA – sur son «audace» à «aller au bout de sa proposition», Edouard Philippe a répété sa position : «Il n'est pas scandaleux, je le dis comme je le pense, de poser la question des droits et des devoirs. […] Lorsque l'Etat crée des systèmes de solidarité ou d'accompagnement ou d'encouragement, la logique de droits et de devoirs est impérative», a-t-il déclaré devant les députés. Et si, a souligné le chef du gouvernement, «se poser la question des contreparties […] est une bonne question», il a quelque peu amendé son propos de vendredi, centré alors sur les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires d'aides sociales, pointant également mardi les obligations des entreprises à qui l'Etat verse aussi des aides ou baisse certaines cotisations. «C'est vrai pour ceux qui bénéficient des versements de la solidarité nationale, […] c'est vrai pour tous les acteurs économiques, pour tous les acteurs d'une République», a dit Philippe.
Ballon d’essai ?
Vendredi, en Bretagne, le Premier ministre avait expliqué que sa «conviction personnelle […] compte tenu de l'importance de nos mécanismes de solidarité, compte tenu de nos finances publiques, compte tenu de la situation d'un pays qui est en croissance, mais qui reste avec un taux de chômage élevé» était de «s'interroge[r] sur ces contreparties». Un ballon d'essai avant un durcissement du versement des aides sociales et des indemnités chômages en cas d'échec probable des négociations entre patronat et syndicats sur l'assurance chômage ? Pour l'instant, Matignon répond non et Bercy rappelle le discours d'Emmanuel Macron dans son discours présentant la «stratégie nationale de prévention de lutte contre la pauvreté», le 13 septembre. Mais, à l'époque, le chef de l'Etat parlait surtout de «droits» et «devoirs» pour son futur «revenu universel d'activité» : «Des droits à être aidé et accompagné, selon les spécificités de chacun, avec ce service public de l'insertion, en contrepartie nous veillons à ce que les devoirs soient respectés, c'est-à-dire que chacun s'efforce réellement de retrouver une activité, avait alors affirmé Macron. L'émancipation c'est savoir que si la Nation nous doit quelque chose, nous lui devons quelque chose en retour.»
Reste que la rhétorique du Premier ministre et l'exemple pris devant les patrons de PME en Bretagne sur l'expérimentation du conseil départemental du Haut-Rhin, gênent certains députés de la majorité classés à la gauche du groupe LREM. Certains, comme la présidente de la commission des Affaires sociales, Brigitte Bourguignon, sont montés au créneau mardi dans le Parisien : «Arrêtons de stigmatiser nos concitoyens les plus fragiles en reprenant les propositions de Laurent Wauquiez et des tenants du "cancer de l'assistanat"», a déploré l'ancienne socialiste. Mardi, dans l'hémicycle, en réponse au député La France insoumise de La Réunion, Jean-Hugues Ratenon, la ministre des Solidarités Agnès Buzyn a eu beau renvoyer à une des questions du grand débat national – «Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ? Si oui, lesquelles ?» –, le sujet risque d'animer un peu plus des rangs marcheurs déjà bien agités à l'Assemblée.