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Analyse

Fiscalité : des ministres proposent, Macron dispose

Depuis le début du mois, au moins trois ministres se sont essayés à «faire vivre» leurs propositions dans le cadre du grand débat national. Et se sont vu désavouer très vite par Macron.
Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, en 2017. (Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 20 février 2019 à 18h39

Quand on est ministre, mieux vaut parfois garder ses idées pour plus tard. Depuis le lancement du grand débat national par l'exécutif, au moins trois ministres se sont essayés, médiatiquement, aux propositions «fiscales». Il y a d'abord eu Gérald Darmanin. Dans l'interview accordée début février au Parisien pour annoncer qu'il restait à Bercy plutôt que de rentrer en mairie à Tourcoing (Nord), il a ainsi évoqué son projet de grand rabotage de niches fiscales. «Je propose que l'on revienne dessus en diminuant le plafond global des niches, ou alors qu'on les mette sous conditions de ressources pour qu'elles profitent aux classes moyennes et populaires plutôt qu'aux plus aisés», avait expliqué le numéro 2 de Bercy début février, rappelant que ces «niches» représentent «14 milliards d'euros». «Et plus de la moitié de ces 14 milliards profite aux 9% des Français les plus riches», ajoutait-il.

Trois jours après lui, il y a eu Bruno Le Maire. Le ministre de l'Economie et des Finances a présenté comme «piste de travail» l'imposition des plus-values immobilières pour les résidences principales, «du moment» que ces biens sont «à un niveau très élevé». Le patron de Bercy se prononçait pourtant sur cette mesure après – excusez du peu – une déclaration d'Emmanuel Macron lors d'un débat organisé en sa présence à Bourg-de-Péage (Drôme) le 1er février : le chef de l'Etat avait qualifié d'«idée très bonne» celle exprimée par une participante de «réguler» certaines plus-values immobilières.

«Dans l’attente d’arbitrages»

Enfin, après le couple de Bercy, le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy a émis l'hypothèse avec sa secrétaire d'Etat, Brune Poirson, de relancer la trajectoire carbone, «annulée» en décembre sous la pression des gilets jaunes. «Les Français nous ont dit : "On ne peut plus continuer en ayant l'impression que ça va dans le budget général de l'Etat. Il faut que ce soit à 100% pour la transition écologique", a souligné l'ancien d'Europe Ecologie - les Verts (EE-LV), le 12 février sur Europe 1. Si on est capable de dire que cet argent irait à 100% dans la transition écologique, irait à des aides aux Français qui en ont le plus besoin, à ce moment-là, on pourrait peut-être reprendre cette trajectoire.»

Des ministres qui s'invitent dans le grand débat ? Ça n'a pas eu un grand succès : «Le débat oui, mais la ligne ce n'est pas d'augmentation d'impôts», leur a répondu Emmanuel Macron en Conseil des ministres. Dur dur, du coup, pour ces membres du gouvernement, d'exister durant ce «grand débat national». «On fait des propositions mais encore faut-il qu'on nous donne des directions ! déplore-t-on dans l'entourage d'un ministre. On reste dans l'attente d'arbitrages du Premier ministre et du président de la République, qui ne viennent pas.» Comme si le temps de l'exécutif s'était suspendu jusqu'à la fin du grand débat fixé, pour l'instant au 15 mars. Fiscalité environnementale, économies budgétaires, remise à plat des impôts, réforme de la fiscalité locale… «Les arbitrages viendront plus tard. On n'est pas là-dedans», fait remarquer un autre conseiller ministériel, qui ironise sur les «nombreuses choses qui restent en l'air» ces derniers temps à Matignon et l'Elysée : «A grand débat, grandes attentes !»