Ironie amère de l’histoire sociale : après avoir ébranlé la macronie, les gilets jaunes semblent maintenant s’ingénier à rétablir sa situation. A l’origine, cette révolte populaire aux revendications sociales légitimes et aux aspirations démocratiques respectables a pris tout le monde de court, à commencer par le gouvernement. Mesures d’économie maladroites, «petites phrases» à la connotation méprisante : Macron a été pris d’emblée comme tête de turc d’une protestation qui recueillait l’approbation massive du pays. A Noël, le Président était dans les cordes. Mais à partir de la fin janvier, les violences, quoique minoritaires, qui ont émaillé les cortèges ont commencé à indisposer l’opinion. De samedi en samedi, les effectifs des manifestations se sont amenuisés et la part d’extrémistes dans les cortèges a augmenté en proportion. Ce mouvement sans représentants et sans stratégie a perdu une grande partie de ses soutiens. Et surtout, il a permis au gouvernement, qui a habilement lancé un «grand débat national», de rallier à lui l’informel «parti de l’ordre» choqué par les débordements hebdomadaires des radicaux infiltrés. Désormais, la mécanique de la protestation tourne à l’envers : plus elle se prolonge, plus elle renforce le pouvoir. On l’a vu dans les cotes de popularité, qui ont commencé à s’inverser en faveur du Président (même s’il reste impopulaire). On le voit dans les dernières intentions de vote, où La République en marche repasse devant le Rassemblement national et laisse loin derrière tous les autres. Dès lors, Macron peut aborder avec plus de confiance l’épreuve du scrutin européen, où son parti est de nouveau favori. Symétriquement, les soutiens du mouvement populaire, RN et LFI, patinent dans les sondages, à côté d’une gauche en miettes qui fait de la figuration. C’est le propre des gilets : contre la volonté de ceux qui les portent, ils se retournent facilement.
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