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Libération
Récit

La Guinée-Equatoriale attaque deux responsables d’ONG françaises

Après la condamnation, en France, dans l'affaire des «biens mal acquis» de Teodorin Obiang Jr, vice-président de son père, la justice locale assigne des ONG pour coup d'Etat.
Un mandat d'arrêt international à été lancé contre William Bourdon (photo) et Daniel Lebègue, des ONG Sherpa et Transparency. (Photo John Tys. AFP)
publié le 25 février 2019 à 12h39

On pourrait ironiser sur l’éternel gag de l’arroseur-arrosé. Sauf que là, on ne rigole plus : la justice de la Guinée-Equatoriale vient de lancer un mandat d’arrêt international contre deux responsables d’ONG françaises, William Bourdon (Sherpa) et Daniel Lebègue (Transparency). En compagnie d’une quinzaine d’autres comparses locaux, ils sont soupçonnés – ni plus ni moins – d’avoir fomenté un coup d’Etat fin 2017 visant à renverser la famille Obiang, fermement accrochée au pouvoir à Malabo depuis 1979, telle une bernique sur son rocher.

Bref retour en arrière. Trois semaines plus tôt, en octobre 2017, la justice française condamnait Theodoro Obiang Jr, fils et vice-président de son père, caricature de kleptocrate au train de vie hallucinant (yacht comprenant un aquarium à requins, penthouse parisien de 1 000 m2 incluant discothèque et jacuzzi, invraisemblable collection de voitures de luxe). C’était la première affaire dite des «biens mal acquis», visant des dictateurs africains recyclant sans vergogne sur le sol français leurs détournements de fonds publics, sous le regard jusqu’ici bienveillant de l’ancienne puissance coloniale. Mais les temps changent : la justice française, au nom d’une prétendue «compétence universelle» en matière de malgouvernance internationale, n’hésite plus à mettre les pieds dans le plat. Sauf que sa condamnation d’Obiang Jr, à trois ans de prison ferme et 30 millions d’amende, est parfaitement virtuelle : depuis son bunker de Malabo, il n’entend plus jamais remettre le moindre orteil dans l’Hexagone – ses prochains déplacements en Suisse, aux Etats-Unis ou aux Antilles étant également compromis.

A ce stade, la contre-attaque de Malabo paraît un peu molle du genou, velléitaire, plus symbolique qu’autre chose, via un simple «communiqué lu à la radio d’Etat» tel que relaté par une dépêche de l’AFP. On aura fait mieux en termes de formalisme procédural : pas le moindre mandat d’arrêt international délivré dans les formes requises – la Guinée-Equatoriale étant membre du réseau Interpol. Dans un récent courrier au gouvernement français, William Bourdon dénonce un «coup monté judiciaire et politique», quand Transparency préfère ne pas polémiquer à ce stade. Les deux ONG étaient à l’origine de la procédure. Les pouvoirs publics français seraient peut-être bien avisés de sortir du silence.