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Analyse

Résultats de la SNCF : après les pépins, Pepy en sursis

Grâce au succès de Ouigo et à des ventes de biens immobiliers, le transporteur, qui a essuyé une grève après la réforme ferroviaire, a limité la casse. Mais Macron ne cesse de tancer son PDG.
Le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, le 7 mai à Matignon. (Photo Albert Facelly)
publié le 28 février 2019 à 21h16

Qu'on se le dise, la SNCF est «ré-si-lien-te», selon les mots de son PDG, Guillaume Pepy. Touché l'an dernier par les quarante et un jours de grève des cheminots contre le nouveau statut de l'entreprise voulu par le gouvernement, le groupe de transport est passé à côté de 870 millions d'euros de chiffre d'affaires. Résultat : son bénéfice net a sérieusement rétréci pour tomber à 141 millions d'euros, soit dix fois moins qu'en 2017, où il atteignait 1,5 milliard.

Ce maigre profit ne représente qu’une goutte d’eau au regard des 33,3 milliards de chiffre d’affaires réalisé par le groupe SNCF. Un ensemble qui comprend aussi bien le transport de voyageurs que celui de marchandises, mais aussi les activités de bus et de tramway, avec la filiale Keolis. Les résultats n’auraient d’ailleurs pas été les mêmes si le transporteur n’avait vendu, l’an dernier, une partie de son patrimoine de logements. L’opération lui a permis de réaliser une plus value de 766 millions d’euros qui tombe à pic. Pour autant, la SNCF a semble-t-il repris des couleurs au second semestre, une fois les troubles sociaux apaisés. Le chiffre d’affaires a en effet augmenté de 3,4 %, signe selon Pepy que les clients n’auraient pas trop boudé le train après les grèves.

Délesté

Si les activités de transport de voyageur sont dans le vert, le fret, lui, continue d’être déficitaire, sans que l’on sache véritablement dans quelles proportions. La SNCF publie en effet des comptes «consolidés». Ce qui, en langage moins techno, signifie qu’elle ne détaille pas les résultats de ses différentes activités. L’une d’entre elles, en tout cas, affiche une spectaculaire progression : le TGV low-cost Ouigo a accueilli l’an dernier 38 % de voyageurs supplémentaires et va se développer cette année dans le Sud-Ouest en direction de Toulouse. D’ici à 2020, un voyageur sur quatre qui monte dans un TGV devrait emprunter ce service low-cost. Qu’importe si, au passage, ce train à grande vitesse mais à petit prix cannibalise le TGV classique. La SNCF doit avant tout bétonner son marché et éviter que ses clients lorgnent du côté du covoiturage ou du transport aérien. L’autre source de satisfaction pour la SNCF est indiscutablement son activité de transport urbain. L’exploitation des réseaux de bus et de tramways se vend particulièrement bien hors des frontières. Un contrat de 6 milliards d’euros vient ainsi d’être décroché au pays de Galles.

Cette année, l’opérateur ferroviaire ne devrait pas voir ses recettes affectées par de nouveaux mouvements sociaux. En outre, la perspective d’être délesté par l’Etat d’une partie du poids de son énorme dette de 49 milliards d’euros lui ouvre des perspectives. Dix milliards d’euros vont ainsi être investis dans la rénovation des voies et l’achat de 150 nouvelles rames de train ; 10 000 salariés devraient également être recrutés pour 2019. Compte tenu de la réforme ferroviaire votée cette année, ils seront embauchés avec un contrat de travail classique, rattaché à une convention collective en cours de négociation.

La réforme de la SNCF n'a pas laissé de traces uniquement dans les comptes de l'entreprise. Un certain nombre d'élus s'alarment de la fermeture de petites lignes. Ils ont d'ailleurs pris à partie Emmanuel Macron à l'Elysée, mardi, sur ce thème, comme le rapporte le Monde. Visiblement très remonté à propos de la fermeture de la ligne Saint-Dié-Epinal (Vosges) suspendue depuis le mois de décembre, le chef de l'Etat a indiqué qu'elle «rouvrira» : «C'est une bonne mesure de santé publique, parce que j'en ai assez que les gens ne se sentent pas concernés par ce qui est dit, y compris quand le président de la République dit des choses», a-t-il asséné.

Et Macron de poursuivre : «Jusqu'à preuve du contraire, c'est le contribuable, l'actionnaire de la SNCF. Et donc les engagements du président de la République sont aussi ceux des dirigeants de la société.» Un recadrage en règle qui a dû faire siffler les oreilles de Guillaume Pepy. Du côté de l'entreprise, point de réaction officielle après cette remontée de bretelles. On se contente de rappeler que «deux études sont en cours» sur les travaux à réaliser sur cette ligne, sans pour autant donner de date de réouverture.

Ambitions

D'ici là, la SNCF aura peut-être changé de dirigeants. En poste depuis dix ans, Guillaume Pepy arrive en fin de mandat en 2020. Interrogé par Libération sur sa candidature à un renouvellement, il a botté en touche en indiquant que «le moment [n'était] pas choisi pour évoquer cette question». Manière de confirmer qu'il ne sollicitera pas un troisième mandat ?

En coulisses, en tout cas, les ambitions s’aiguisent. Trois noms circulent pour le remplacer. Celui de Patrick Jeantet, actuel PDG de SNCF Réseaux, qui gère les 30 000 km de voie ferrée de l’Hexagone. A l’extérieur, David Azéma, ancien numéro 2 de la SNCF et aujourd’hui banquier d’affaires, serait intéressé. Tout comme l’actuelle ministre des Transports, Elisabeth Borne, alors que se profile un gros remaniement. Avant d’entrer au gouvernement, elle dirigeait la RATP. Le bal des prétendants ne fait cependant que commencer.