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Le cadre : une ferme d’antispécistes au sein d’une ZAD, quelque part en France, sur laquelle est inscrite une «invitation à la révolte». Les personnages : Néo, un cochon nain, Renata, la vache laitière, Ferdinand, la poule-coq et Soasig, la brebis rebelle. Tous profitent là d’un paisible quotidien de retraités. Jusqu’au jour où leurs humains sont délogés violemment par les forces de l’ordre : les voilà menacés de finir à l’abattoir, ce grand mystère dont personne ne revient jamais. Après une bataille rangée dans les champs qui dure toute une nuit, ils parviennent à s’échapper et se retrouvent en chemin.
«Tous nos compagnons ont été rassemblés par espèces et poussés dans le ventre d'énormes monstres de fer. Il y en avait cinq ou six. Quand toutes les bêtes ont été avalées, les monstres ont rugi et le troupeau est parti», résume Renata. Autour d'eux désormais, c'est la guerre, les «monstres de fer» et les routes de tous les dangers.
Néo, ancien cochon modèle de pubs qui n'avait jamais eu à se plaindre des humains et rêve de se rendre à Pig Island, découvre, en écoutant ses compagnons, la violence dont sont capables les hommes. Renata, la laitière, lui raconte sa sombre condition : «Les humains ont déréglé le cycle naturel pour que je reste toujours productive. […] Si je ne suis pas traite au moins une fois par jour, je tombe malade […]. L'homme a fait de moi un monstre, je ne peux vivre sans lui». Une situation qui «enrage» Soasig la brebis. Elle dont l'espèce a été modifiée pour produire plus de laine déplore que l'homme ait fait des animaux de ferme «des anomalies de la nature».
En dépit d'une dose un peu lourde d'anthropomorphisme et quelques digressions anecdotiques qu'on peut regretter, l'histoire a le mérite d'évoquer plusieurs problématiques de fond contemporaines : la condition animale, l'industrialisation de l'élevage et l'importance de la lutte. Comme dans la Ferme des animaux de George Orwell (critique, certes, du régime soviétique et non du spécisme), où les bêtes se révoltent pour prendre le pouvoir, l'homme est relégué au décor… ou peut-être au passé.
L’arche de Néo, à mort les vaches
(tome 1), 64 pages, Stéphane Betbeder et Paul Frichet, éditions Glénat, 6 mars 2019, 14,95 €.