Menu
Libération
Analyse

Macron, décomposer la droite pour recomposer l'Europe

A trois mois du scrutin du 26 mai, l'adresse du chef de l'Etat aux citoyens européens a aussi un objet domestique : lancer la campagne LREM pour finir en tête. Mais avec ses alliés centristes, le parti présidentiel veut aussi faire émerger un pôle europhile incontournable au Parlement de Strasbourg.
Emmanuel Macron, à Bordeaux le 1er mars. (Photo Caroline Blumberg. AFP)
publié le 5 mars 2019 à 10h43

Sur la scène européenne, Emmanuel Macron parle parfois bien mais surtout seul. Si l'ambitieux discours de la Sorbonne, en septembre 2017, devait servir de feuille de route ou a minima de base de discussion pour un couple franco-allemand qui allait reprendre du poil de la bête, les difficultés électorales de la chancelière Merkel, affaiblie politiquement par la crise des migrants, ont tué dans l'œuf les velléités macroniennes. Depuis, Emmanuel Macron a lui-même perdu une bonne part de son crédit à domicile et les urgences françaises ont largement pris le pas sur les desseins continentaux.

Grandes orientations

Son adresse aux citoyens européens, à trois mois des élections du 26 mai, bien que diffusée dans une vingtaine de pays, a aussi un objet domestique. Elle s’inscrit dans un moment où les derniers temps du grand débat national – dont il s’agira de sortir par le haut, ce qui risque de s’avérer fort risqué – cohabitent avec le lancement de plus en plus formel de la campagne des européennes. Prônant une Europe qui protège – et qu’il s’agit donc de préserver en la réformant – le président français met sur la table des propositions qui, si elles ne sont pas toutes nouvelles et s’apparentent surtout à de grandes orientations, pourraient donner lieu à des débats intéressants. Préférence européenne, lutte contre les ingérences étrangères, gestion commune de la question migratoire, collaboration encore renforcée en matière de sécurité, banque du climat, etc. Sans tête de liste (chacun sait bien que c’est de fait Emmanuel Macron), LREM connaît désormais son corpus pour le prochain scrutin.

Sur la scène nationale, l’objectif de LREM est de finir en tête, devant la liste du Rassemblement national. Mais le parti présidentiel, avec ses alliés du Modem et d’Agir, a aussi pour but de faire émerger à Strasbourg un pôle central et si possible incontournable à défaut d’être majoritaire. Un noyau proeuropéen à même de toper avec les troupes europhiles du PPE. Alors que le bipartisme PPE/PSE matrice la vie du Parlement européen, le grand parti de la droite (PPE) – qui abrite en son sein des europhobes comme des proeuropéens, des figures autoritaires comme de sincères démocrates – est justement poussé à la clarification par les agissements du président hongrois Viktor Orbán. Ce dernier, membre du PPE a lancé une campagne ordurière visant le financier Georges Soros mais aussi le président de la commission et poids lourd du PPE, Jean-Claude Juncker. Alors que les agissements d’Orbán sur le front des migrants ou des libertés publiques n’avaient pas conduit à son exclusion du groupe, sa croisade anti-Juncker pourrait lui être fatale. Pas de doute qu’il trouvera bien (mieux) sa place aux côtés des amis de Matteo Salvini et Marine Le Pen.

Rabougrissement

En France, François-Xavier Bellamy, tête de liste de LR, considère, lui, que Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac qui a rallié le camp Macron pour les européennes, devrait aller au bout de sa démarche et quitter LR. Un rabougrissement made in Wauquiez de la droite française qui inquiète jusqu'à l'ancien patron de l'UMP Jean-François Copé, le tout sur fond de fracturation de la droite européenne, l'Elysée n'en demandait pas tant.