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Libération
Européennes

Une lettre bien à droite

Avec des propositions inspirées de celles de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron espère diviser la droite pour s’attirer le soutien des proeuropéens au Parlement de l’UE. En France, Raffarin a déjà fait part de son ralliement.
Emmanuel Macron à Paris le 5 mars. (LUDOVIC MARIN/Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 5 mars 2019 à 20h46

Sur le nationalisme, Emmanuel Macron baisse clairement d'un ton. Dans la tribune publiée mardi, il se garde bien de dramatiser, comme il a pu le faire dans le passé, la menace d'une «lèpre» comparable à celle qui a dévasté l'Europe dans les années 30. «Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d'une Europe amollie», conclut-il sobrement, après avoir exposé une série de mesures susceptibles, selon lui, d'ouvrir la voie d'une «Renaissance européenne».

Ralliement

Certaines propositions ont tout pour plaire aux électeurs de droite. La «remise à plat» de l'espace Schengen avec «une politique d'asile» et une «police des frontières» commune aux Vingt-Huit n'était-elle pas le cheval de bataille de Nicolas Sarkozy ? Il y a une dizaine d'années, le même Sarkozy parlait d'ailleurs d'une «nouvelle renaissance» en Europe, fondée sur une assez nébuleuse «politique de civilisation». A l'Europe «marché sans âme», Macron oppose «un projet» fondé sur «des frontières qui protègent» et «des valeurs qui unissent».

Réagissant à cette tribune, le chef de LR, Laurent Wauquiez, s'est empressé, devançant les porte-parole de l'extrême droite, de pointer le silence coupable du chef de l'Etat : «Emmanuel Macron parle de protéger notre continent. Et il ne dit rien sur l'immigration massive ? Rien sur l'islamisme ? Comme toujours, on parle, on cache les sujets difficiles…» Moins caricatural, le chef de file de la liste LR aux européennes, François-Xavier Bellamy, confie être «frappé de voir à quel point Macron infléchit son discours sur l'Europe». «Quelle est sa véritable vision de l'Europe ?», s'est-il interrogé mardi matin sur France Inter, suggérant que le vrai Macron restait un incurable fédéraliste ultralibéral.

«Cette tribune, elle aurait dû être écrite par ma famille politique», lui a répondu sur Public Sénat l'ancien patron de l'UMP Jean-François Copé. C'est aussi l'avis de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui a choisi ce moment pour annoncer, dans le Figaro, son ralliement à Macron : «Il s'agit du projet européen le plus abouti. […] Un projet fondé sur un constat lucide d'extrême gravité du monde, avec une vision ambitieuse, de renaissance européenne, avec une volonté de progrès social et libéral. […] L'intuition que nous avions eue avec Alain Juppé, après le discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron, se confirme aujourd'hui.»

Scission

Heureuse coïncidence pour Macron, ce ralliement intervient en même temps que l'initiative de douze partis conservateurs de l'UE qui demandent l'exclusion du Premier ministre populiste hongrois, Viktor Orbán, du Parti populaire européen (PPE), le groupe des droites européennes à Strasbourg. L'un des objectifs déclarés du président français est précisément de provoquer une scission entre souverainistes et proeuropéens au sein du PPE. Wauquiez, lui, a toujours considéré qu'Orbán avait «toute sa place» au sein du PPE. Son candidat Bellamy s'est élevé mardi contre cette «dangereuse fracturation» qui fait les affaires des macronistes.