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Récit

Baromètre de l’égalité des salaires : bonnes notes, mauvaise appréciation

Rémunérations: les inégalités mettent-elles en péril notre démocratie ?dossier
Depuis le 1er mars, un index de mesure permet de rendre compte des écarts de rémunération et de la place des femmes dans les entreprises. Mais la précision de l’outil est mise en cause par les principaux syndicats.
Manifestation pour l’égalité des salaires, à Paris le 7 novembre 2016. (Photo Charlotte Gonzalez. Hans Lucas)
publié le 7 mars 2019 à 20h06

«Le compte n'y est pas.» Dans une déclaration unitaire adressée mardi, les principaux syndicats de salariés, à l'exception de la CFDT, dressent un sombre tableau : en 2019, «le quotidien des femmes est toujours marqué par les inégalités salariales, la précarité et les violences sexistes et sexuelles». En chiffres, cela donne un écart de salaires de plus de 25 % en moyenne, tous postes confondus. Et, à compétence et poste égaux, un écart moyen salarial de 9 %. Or, selon la CFE-CGC, la CFTC, la CGT, FO, la FSU, Solidaires et l'Unsa, ce n'est pas l'index de mesure de l'égalité salariale, présenté le même jour par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qui va y changer grand-chose. Du moins, en l'état.

Certes, écrivent les centrales, ce nouvel outil a le mérite d'exister. Surtout, cette échelle de 100 points construite avec cinq critères (écart de rémunération, écart dans les augmentations annuelles, écart dans les promotions, augmentations au retour de congé maternité, présence de femmes parmi les plus gros salaires de l'entreprise) marque le passage à «une obligation de résultat».

Bons élèves

Mais, d'après les centrales, elle ne va pas assez loin, puisqu'elle n'oblige que les entreprises obtenant une note inférieure à 75 sur 100 à faire des efforts, sous peine de sanction financière (jusqu'à 1 % de la masse salariale). Pire, elle permettrait de «masqu[er] une partie des écarts».

Dans le viseur des syndicats, notamment, la possibilité de «pondér[er]» certains résultats. «La note globale peut dissimuler des écarts de salaire très importants et occulter la réalité des inégalités», dénonce la CGT. Le syndicat pointe, entre autres, un «barème sur les écarts de rémunération très progressif». De quoi aider les entreprises à garder la face ?

Depuis le 1er mars, date butoir pour les sociétés de plus de 1 000 salariés pour transmettre leur note à l'administration, l'index a commencé à parler. Et les premiers résultats sont plutôt positifs pour les grandes entreprises. Sur le premier critère, celui des écarts de rémunération, les répondants obtiennent en moyenne une note de 37 sur 40. «Les grandes entreprises respectent bien le principe à travail égal salaire égal, souligne le ministère du Travail, même si elles peuvent encore progresser.» Notamment sur le plafond de verre et la parité encore trop faible du top management : sur ce critère, la note moyenne obtenue est de 3 sur 10. Le syndicat FO y voit, de son côté, des résultats qui «ne sont pas cohérents avec l'écart […] de - 25 % entre la rémunération des femmes et celle des hommes. Ce qui confirme nos craintes d'invisibilité d'écarts pourtant bien réels».

Reste que ces chiffres sont, pour l'heure, très partiels. Et pour cause, seules 732 entreprises ont joué le jeu, soit la moitié du contingent concerné. Parmi elles, 16 % sont «en alerte rouge», selon la ministre, c'est-à-dire en dessous du seuil de 75. Soit 118 entreprises, parmi lesquelles «plusieurs groupes du CAC 40, et certains dont l'Etat est actionnaire, comme Engie et Thales», a précisé Muriel Pénicaud. Du côté des retardataires, 564 seraient en train de finaliser leur index. Or, si les bons élèves, comme Sodexo, la Maif ou encore Danone (dont Muriel Pénicaud a été DRH) se sont empressés de publier leurs données, on peut imaginer que les entreprises moins pressées auront des résultats moins glorieux. Ce qui, une fois leurs données intégrées, pourrait infléchir les bons chiffres.

Atypiques

Il faudra de toute façon encore du temps à cet index pour se déployer, les entreprises de 250 à 1 000 salariés ayant obtenu un délai, jusqu'au 1er septembre, pour s'y coller (1er mars 2020, pour celles de 50 à 250 salariés). Pas suffisant, répondent les syndicats, face ce calendrier. «Pour faire enfin de l'égalité une réalité, c'est toutes les politiques publiques qui doivent être pensées», préviennent-ils.

Outre l’amélioration de l’index, ils réclament ainsi une limitation du recours aux contrats à temps partiel, aux contrats précaires et aux horaires atypiques, dans lesquels les femmes sont surreprésentées. Ou encore une revalorisation des métiers à prédominance féminine, un allongement du congé paternité qui serait rendu obligatoire, l’extension du congé maternité à toutes les travailleuses, le développement des places en crèche, le renforcement de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail… Autant de mesures qu’ils défendront, ensemble, en juin, devant l’Organisation internationale du travail.