Menu
Libération
Le Bulletin des secondes

«Ma prof de français avait compris comment nous intéresser nous en tant qu’élèves»

( )
publié le 12 mars 2019 à 10h27

Il se passe rarement deux jours d'affilée sans que l'on parle et que l'on s'écharpe au sujet de l'éducation dans les médias. Pourtant, on entend très rarement l'avis des premiers concernés : les élèves. Que pensent-ils de l'école ? Des réformes ? Et du ministre de l'Education nationale ? Dans cette nouvelle chronique, «Le bulletin des secondes», Libé donne la parole à de jeunes lycéens. Une évaluation en onze questions, toujours les mêmes, pour mesurer leur perception du système éducatif. Aujourd'hui, Eglantine, 16 ans, en seconde générale au lycée Jacques-Monod à Clamart (Hauts-de-Seine).

Pouvez-vous résumer votre scolarité ?

De la primaire au collège, je n'ai jamais ouvert mes cahiers. Je n'avais pas besoin d'apprendre, je me débrouillais avec ce que j'avais et j'avais des notes relativement bonnes. Quand je suis arrivée au lycée, je me suis rendu compte qu'il aurait fallu que j'apprenne un peu. C'est un peu compliqué mais je fais avec. Sinon, j'ai presque toujours été dans le public, sauf en 6e où je suis allée à l'école de la Légion d'honneur. J'ai détesté donc je suis vite retournée au public. C'était de la pression permanente, on ne faisait jamais les choses assez bien.

Qu’est-ce que l’école vous a apporté ?

Des connaissances sur le monde extérieur, surtout grâce à l’éducation morale et civique. Là je suis aussi une matière qui s’appelle littérature et société, c’est très intéressant. On débat sur de super sujets comme la place des femmes dans le monde actuel, la légalisation du cannabis, le harcèlement de rue. Ça nous apporte beaucoup.

Y a-t-il un enseignant qui vous a marqué, et pourquoi ?

Oui, ma prof de français de 3e m'a passionnée. C'est la première prof pour qui je voulais assister aux cours. Ses cours me captivaient parce qu'elle avait compris comment nous intéresser nous en tant qu'élèves. Elle parlait de nous avant tout, des sentiments que l'on ressentait en tant qu'ados. J'ai vu plusieurs élèves baisser la tête pendant ses cours voire verser des larmes car ils étaient touchés par ce qu'elle disait. Elle ne parlait pas pour elle, pour faire le programme, mais pour nous.

Quel est votre pire souvenir scolaire ?

C'était en maths quand j'étais en 5e. Je m'en souviens très bien j'ai dit à ma prof que je ne comprenais rien à ce qu'elle disait, elle m'a répondu : «On ne te demande pas de comprendre, on te demande d'apprendre et d'avoir un diplôme.» Ça m'a cloué le bec et je suis restée un peu impuissante face à la situation. Ça m'a beaucoup marqué je me suis dit que certains profs ne nous considèrent pas, n'en ont rien à faire de notre avis.

Qui est le ministre de l’Education ?

C’est Blanquer ?

Si vous étiez ministre, quelle réforme mèneriez-vous ?

J’aimerais mener une réforme pour que l’on donne plus d’importance aux élèves en tant que personne, qu’on écoute ce qu’ils ont à dire, qu’ils n’aient pas besoin de faire des manifs pour qu’on les entende. C’est un peu utopiste certes. Il faudrait que ce dialogue soit ancré dans le système, qu’on n’ait pas besoin de faire n’importe quoi pour se faire entendre, que ça soit inné en fait.

Que veut dire «réussir à l’école» selon vous ?

De ce qu’on dit, réussir à l’école c’est avoir de bonnes notes pour se trouver un métier stable qui va nous faire gagner de l’argent, nous permettre d’avoir une maison, de payer nos impôts. Mais ma vision de réussir à l’école est, comme m’ont toujours dit mes parents, de faire ce qui nous plaît et d’y arriver. L’école peut nous y aider. Mais elle n’y arrive pas forcément car certains élèves sont en échec scolaire, sortent du système. Il faudrait aussi adapter le système à ceux qui en sortent.

Pensez-vous que l’école donne les mêmes chances à tous les élèves ?

Pas du tout. Ça dépend déjà de si on est scolarisé dans le public ou dans le privé, de quel milieu social on vient, si on rentre bien dans le moule que l’école veut. Ça dépend de tout ça. Je le ressens très bien, il y a des élèves que les profs laissent tomber, ils ne sont plus écoutés, entendus, les profs s’en fichent quoi.

Que savez-vous de la réforme du lycée ?

On nous a dit que c’était censé nous orienter vers des choix plus précis, mais tout a été fait à la va-vite pour moi, ça n’a pas été réfléchi ni pensé par les élèves et pour les élèves. C’est seulement après toutes les manifs qu’ils ont vu que ce n’était pas ce qu’on voulait. Personnellement, ça ne me convient pas parce que c’est tout ou rien. L’ancien bac était très général mais maintenant c’est trop spécifique.

Avez-vous entendu parler de Parcoursup ?

J’en ai vaguement entendu parler lorsque l’on faisait le sit-in. Apparemment, c’est le gros bordel. En juillet et août, des élèves n’avaient toujours pas la réponse de leur école, leur appart et pouvaient se retrouver à la rentrée avec absolument rien. C’est extrêmement pesant de ne pas savoir ce que tu vas faire de ton avenir. Je sais qu’ils ont essayé d’accélérer les choses cette année, mais on ne sait pas ce que ça va donner.

Avez-vous une idée de ce que vous ferez après le bac ?

Après le bac, j’aimerais partir un an faire de l’humanitaire et ensuite revenir à des études le temps que je sache ce que j’ai envie de faire. Là on nous fait choisir ce que l’on veut faire encore plus tôt qu’avant et on n’est pas prêts du tout. On a 15 ans, on ne sait pas ce qu’on veut faire. Je souhaite quitter l’école à la fin de cette année, faire un service civique quelque chose comme ça, me rendre utile pour les gens. Je passerai quand même mon bac mais en candidat libre.