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Libération
Interview

Pour «Il s’agit de financer des projets d’innovation»

Marie Lebec La députée des Yvelines, rapporteure thématique du projet de loi Pacte, assure que l’Etat aura toujours son mot à dire sur la gouvernance d’Aéroports de Paris.
publié le 12 mars 2019 à 20h56
En quoi était-il urgent de lancer ces privatisations ?

Ce n’est pas une question d’urgence, mais un choix de nouvelle politique industrielle. Il s’agit de financer, grâce au produit de ces privatisations, un fonds de 10 milliards pour l’innovation de rupture que nous créons avec la loi Pacte. Nous assumons le fait que l’Etat, tout en restant un régulateur, a plus intérêt aujourd’hui à mobiliser ses capitaux pour financer les projets d’entreprises dans des secteurs comme l’intelligence artificielle ou les nanotechnologies.

Ce fonds rapportera 200 à 300 millions d’euros par an. Or, les dividendes versés par ADP et la FDJ à l’Etat sont plus importants : pourquoi ne pas rester actionnaire pour financer ces projets ?

Pour mettre sur pied une nouvelle politique industrielle, il faut que les fonds soient sûrs. Placé sur ce fonds, le produit des privatisations sera protégé de tous les aléas. Certes, les dividendes d’ADP sont aujourd’hui très élevés. Mais cela n’a pas été toujours le cas ! Ils ont beaucoup fluctué ces dernières années. Par exemple, en 2010, les dividendes d’ADP versés à l’Etat ne s’élevaient qu’à 70 millions !

L’opposition dénonce une atteinte à la «souveraineté» du pays…

Comme l'a répété Bruno Le Maire durant les débats en première lecture à l'Assemblée, «on vend l'infrastructure mais on ne vend pas la frontière». Il y aura toujours des douaniers, des contrôles, une police aux frontières, de la lutte contre les stupéfiants et l'immigration illégale. De plus, à l'occasion de cette loi, nous renforçons le rôle de régulateur de l'Etat. D'une part, dans soixante-dix ans, il lui sera possible de reprendre la main. D'autre part, il restera un acteur majeur dans la gouvernance d'ADP : l'Etat pourra notamment nommer et révoquer les principaux postes opérationnels de l'entreprise et, en cas de manquements graves des nouveaux actionnaires, il pourra prendre des sanctions. Par ailleurs, on nous rappelle qu'ADP est «le hub d'Air France». Mais en renforçant le rôle de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, on évitera que les tarifs augmentent.

Ces mêmes opposants à la privatisation craignent que l’on réédite la même «erreur» que la privatisation des autoroutes…

Les autoroutes faisaient l’objet d’un contrat de concession, renégocié régulièrement. Pour ADP, ce ne sera pas du tout la même chose, puisque le cahier des charges d’exploitation sera défini dans la loi. Par ailleurs, l’Etat gardera un rôle prépondérant dans l’organisation de l’entreprise. Quant au prix des redevances, il sera revu tous les  ans. Si ADP et l’autorité indépendante sont en désaccord, alors l’Etat reprendra la main. Enfin, le ministre s’est engagé à ce qu’aucun acteur «agressif» n’entre, demain, au capital d’ADP.