L'idéologie n'est pas toujours mauvaise : elle oblige à mettre ses idées en cohérence. Mais quand elle devient dogme, catéchisme, bréviaire, elle change de nature. C'est ce qui arrive dans l'affaire de la privatisation d'Aéroports de Paris. L'Etat, dit le gouvernement, doit se retirer. Pourquoi ? Parce qu'il ne peut pas rester, circulez… Gère-t-il mal les aéroports comme actionnaire ? Non. Alors ? Alors le privé est par nature supérieur. Tel est, en gros, l'argumentaire gouvernemental. Avec cette assurance en prime : dans soixante-dix ans - la durée de la concession -, l'Etat pourra «reprendre la main». Mais comme disait Keynes, «à long terme, nous serons tous morts». Ainsi les responsables de cette décision, par l'effet probable de la nature, ne seront plus là pour en rendre compte. Certes, dans ce lointain futur, la puissance publique pourra racheter les mêmes aéroports. Mais il lui faudra débourser une somme pour le moins rondelette. Alors les adversaires de cette nationalisation parleront d'une décision «idéologique»… Instruite par le précédent désastreux des autoroutes, l'opposition dénonce cette vente. Elle a raison. Bien gérés, ces aéroports peuvent procurer à l'Etat des revenus élevés, qui soulageront d'autant les finances publiques, ou bien financeront des projets utiles. Au lieu de jouer cette carte pragmatique, le gouvernement vend les pistes aux œufs d'or pour soixante-dix ans et perd le contrôle de cet équipement stratégique pour le pays et pour la région. Alors que la plupart des aéroports du monde, dans des pays aux orientations très diverses, restent propriété publique. Dans un étrange mimétisme, la plupart des Etats du monde estiment qu'ils doivent garder par-devers eux la propriété et la gouvernance de ces portes d'entrée sur le territoire. Il doit bien y avoir une raison à cette quasi-unanimité. Une raison que le gouvernement français a décidé d'ignorer.
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