«Excuse-moi ! Excuse-moi ! Excuse-moi !» Six ou sept fois répétés. Ce sont les cris d'homme entendus à 4 h 30 du matin par les habitants de la maison qui jouxte le chemin sans nom où la joggeuse Patricia Bouchon a été assassinée le 14 février 2011. Demander pardon après avoir été violent, c'est aussi ce qui, aux dires de ses proches, caractérise Laurent Dejean, 40 ans, habitant de Bouloc (Haute-Garonne) mis en accusation pour ce meurtre et dont le procès aux assises de Toulouse s'ouvre ce jeudi.
D’autres éléments, bien sûr, nourrissent sa mise en accusation : le portrait-robot effectué par un témoin se rendant à Montauban, et qui certifie l’avoir vu, vers 4 h 35, hagard au volant de sa voiture à l’arrêt au beau milieu de la route voisine, tous phares éteints, plafonnier allumé. Sa consommation de drogues, sa psychose chronique, et le fait, précisément, que le suspect soit allé consulter un psychiatre quelques jours après le fatal 14 février. Troublante également, sa connaissance de l’endroit où le corps a finalement été retrouvé par un chasseur, à Villematier, à 12 kilomètres de la route de Fronton, lieu que l’accusé avait fréquenté comme ouvrier agricole quelques années plus tôt. Pas de trace ADN, mais un faisceau d’indices semble converger vers l’hypothèse d’une funeste rencontre ce jour-là, entre Laurent Dejean et la joggeuse si matinale. La justice décidera dans les jours qui viennent.
En écrivant ce papier, en romancière invitée, je croise «Bouloc», «Villematier», «Fronton». «Montauban», même, la ville où j'ai grandi. Et ces noms qui chantent un horizon doux et ondulé, aux couleurs jaune blé parsemées de pigeonniers classés au patrimoine, ces noms de mon enfance soudain associés au sang retrouvé sur le chemin, aux cheveux arrachés, à l'autopsie hésitant entre les coups contondants et l'étouffement, n'écartant pas le viol, me semblent une bizarrerie géographique. Mais plus encore que cette anomalie naïve et subjective, c'est ce qui débute ce récit qui me saisit : les excuses proférées par celui qu'on pense être l'assassin, quelques instants à peine après le cri de douleur de sa victime. Le pardon imploré comme une «contribution larmoyante», dirait Paul Auster. Comme si le crime et la requête d'humanité avaient eu lieu dans un même souffle. «Meurs et pardonne.»Patricia Bouchon, décrite comme anorexique, inquiète, maniaque, a dû faire face à cette absurdité totale qui ressemble à l'être humain et qui surpasse en violence tous les rapports d'autopsie lus pour écrire ce papier.