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Libération
à la barre

Affaire Ramadan : l’instruction libérée

La cour d’appel de Paris a maintenu jeudi les mises en examen pour viol du prédicateur, permettant aux juges de mener l’enquête à son terme.
Tariq Ramadan en février 2016, à Paris. (Photo Boby<)
publié le 14 mars 2019 à 20h26

Soupçonné de plusieurs viols en France et en Suisse, le prédicateur musulman Tariq Ramadan est loin d'en avoir fini avec la justice française. La cour d'appel de Paris a rejeté jeudi la demande de levée de ses deux mises en examen dans les dossiers concernant l'ex-salafiste Henda Ayari et la plaignante surnommée «Christelle» par la presse. «Face aux mensonges et aux dénégations de Tariq Ramadan, la parole des plaignantes a pesé plus lourd, a commenté à la sortie de l'audience Me Eric Morain, l'avocat de Christelle. Il a menti tout au long de cette instruction, sa défense a bluffé et le dossier a parlé. Aujourd'hui, l'instruction continue et c'est une très, très grande satisfaction.»

De son côté, la fille aînée du théologien, Maryam Ramadan, très investie dans la défense de son père, a mis en cause les juges sur les réseaux sociaux, dénonçant «une mascarade». «Nos demandes ont été rejetées. On reste patients et on ne lâche rien face à cette mascarade de la justice française. On continue le combat», a-t-elle tweeté, une demi-heure à peine après que la décision de la cour d'appel a été rendue publique. Remis en liberté à la mi-novembre après neuf mois et demi de détention provisoire contre le versement d'une caution de 300 000 euros, Tariq Ramadan, qui souffre d'une sclérose en plaques, réfute les accusations dont il fait l'objet depuis 2017. Il est soumis à un contrôle judiciaire très strict, l'obligeant à pointer une fois par semaine au commissariat de Saint-Denis et lui interdisant de quitter le territoire français.

Péripéties. La décision de la cour d'appel de Paris était très attendue. «Une "démise en examen" aurait quasiment signifié une clôture de l'affaire», estime une source proche du dossier. Formulée par la défense agressive du théologien - assurée par Me Emmanuel Marsigny, absent jeudi du palais de justice de Paris - la demande de démise en examen est une procédure rarement utilisée qu'il ne faut pas confondre avec un éventuel non-lieu, qui n'intervient qu'à la clôture de l'instruction judiciaire.

Depuis trois mois, l’avancée des investigations menées par les trois juges d’instruction en charge du dossier a été singulièrement ralentie dans l’attente de cette décision de la cour d’appel. Dans les semaines à venir, les juges d’instruction devraient notamment statuer sur la suite à donner à la plainte déposée en mars 2018 par Mounia Rabbouj, qui a entretenu en 2013 et 2014 une liaison marquée, selon les dires de la plaignante, par des violences sexuelles et une emprise psychologique. Ce volet du dossier a connu des péripéties, notamment des batailles féroces sur les réseaux sociaux et des désaccords entre la troisième plaignante et ses anciens avocats.

Couacs. En Suisse, Tariq Ramadan est également mis en examen, à la suite d'une plainte pour viol déposée en avril 2018 par une femme d'une cinquantaine d'années, surnommée «Brigitte» par la presse. Plusieurs auditions devaient avoir lieu à la fin du mois de février mais elles ont été annulées au dernier moment. En fait, il semblerait qu'il y ait eu des couacs entre les justices française et helvétique. Pour l'heure, le procureur suisse souhaiterait, selon des sources proches du dossier, interroger Ramadan avant toute autre audition.

Reste encore à trouver les modalités pour que cet interrogatoire ait lieu sur le territoire français. Ces derniers mois, le théologien, selon des sources proches de son entourage, se serait installé dans la région de Chambéry, non loin des frontières suisse et italienne. Tariq Ramadan est né et a grandi à Genève où réside une grande partie de sa famille. Depuis sa sortie de détention, il est demeuré relativement discret. En février, il a déposé des plaintes pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de Henda Ayari et de Christelle qui ne pourront être examinées, quoi qu’il en soit, qu’après la clôture de l’instruction judiciaire.