«Nous ne sommes pas là pour faire le procès de l'enquête pénale, mais pour juger l'affaire Tapie !» Nonobstant cette déclaration de principe, Maurice Lantourne ne s'est pas privé jeudi après-midi de refaire le match à son tour. Pour une fois, l'avocat de Bernard Tapie ne portait pas la robe : il était en civil, sur le banc des prévenus, poursuivi comme son célèbre client pour escroquerie et détournement de fonds publics. Ce qui ne l'a pas empêché de marteler son credo juridique : «J'affirme et continue de penser qu'il y avait interdiction de se porter contrepartie.» Autrement dit, que le Crédit lyonnais aurait enfumé Tapie et non l'inverse, justifiant ainsi de colossaux dommages et intérêts - fût-ce via un arbitrage frelaté.
Me Lantourne a été entendu religieusement pendant plusieurs heures, sans que le tribunal ne daigne l'interrompre, ou que les parties civiles (l'Etat français, le CDR, héritier public des dossiers sensibles de la banque depuis privatisée) ou l'accusation (le parquet) ne se distinguent par une quelconque question gênante ou pertinente. Il a donc pu dérouler sa version sans la moindre contradiction.
Sur le fond de l'achat-revente d'Adidas, Me Lantourne se dit sûr d'avoir raison. En 2005, la cour d'appel de Paris lui avait donné gain de cause, accordant à son client 135 millions de dommages et intérêts. Après cassation, plus sur la forme que sur le fond, la justice ordinaire aurait pu suivre son cours naturel, avant que la sarkozie au pouvoir ne confie le litige à un arbitrage privé : 404 millions de dommages accordés en 2008, avant annulation pour cause d'impartialité de l'un des arbitres. Et pourtant, en 2015, la cour d'appel, tranchant définitivement le litige en matière civile, n'accordera que l'euro symbolique à Tapie. Une défaite judiciaire qui serait le fruit d'une «jurisprudence inversée» pour les besoins de la cause, ce qui «scandalise» l'avocat.