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Libération
La guerre des gauches

Européennes : Place publique et la désunion de la gauche

Le rapprochement entre le mouvement de Raphaël Glucksmann, qui entend favoriser l'union des gauches, et la liste PS ne fait pas que des heureux, y compris au sein du parti d'Olivier Faure.
Raphaël Glucksmann, fondateur du parti Place publique, le 29 janvier à Paris. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 15 mars 2019 à 17h37

Comme prévu, la candidature de Raphaël Glucksmann aux européennes fait jaser. Les réactions tombent de tous les côtés. Pas forcément pour saluer la démarche. Son choix de se lancer avec le Parti socialiste – qui devrait le soutenir après un vote lors du conseil national de samedi –, interroge. David Cormand, secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts, nous écrit : «Tout ça pour ça !» Benoît Hamon, ancien candidat à la présidentielle, a tranché sur RTL : «Une voix en faveur du Parti socialiste est une voix perdue pour la gauche.» Le leader du mouvement Génération·s se gratte la tête. En novembre, lorsque le mouvement Place publique est sorti de terre, il était persuadé de faire campagne avec la petite bande. Sauf que les discussions ont mis du temps à se mettre sur les bons rails, des divergences sont nées et l’alliance a capoté.

Hamon et Glucksmann étaient pourtant faits pour s'entendre. On garde en mémoire le joli sourire de l'essayiste en juillet 2017, sur la pelouse de Reuilly, à Paris, lorsque Benoît Hamon a annoncé son départ du PS et la naissance de son mouvement. On a hâte de les voir débattre dans les prochaines semaines et se chercher des différences. La sévérité des réactions sur la stratégie de Place publique trahit un sentiment profond : l'espoir que la petite bande avait suscité. «A gauche, beaucoup de personnes ont misé sur Glucksmann lors de son arrivée, ils espéraient une autre issue, celle de mettre sous la même bannière Jadot, Hamon et les communistes. Pas grand monde ne pensait au PS, confie un dirigeant écolo. Avant d'ajouter : On ne peut pas dire que Place Publique n'a pas tenté, que Glucksmann est responsable de la division. Mais finir avec le PS met en avant sa priorité principale, celle de devenir député européen.»

Le début d’une belle histoire ?

Le chef de file des communistes aux européennes, Ian Brossat, souffle à Libération : «La démarche consiste-t-elle à porter un projet nouveau et une vision originale ou à offrir une nouvelle étiquette au Parti socialiste ? Nous verrons, mais en tout cas, ce choix se heurtera à une contradiction. On a ici des gens de bonne volonté mais qui, à l'inverse de nous, ont voté tous les traités européens les plus libéraux au fil des années.»

Vendredi matin, lors d’une conférence de presse, Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG Bloom et cofondatrice de Place publique, a expliqué aux curieux que la liste est encore ouverte à toute la gauche, aux écolos, et que c’était le début d’une belle histoire. Sauf que pour le moment, le soleil est planqué, notamment à cause de quelques figures socialistes qui goûtent peu ce nouvel amour entre leur vieux parti et le nouveau mouvement.

Stéphane Le Foll, par exemple, qui, samedi, ne se rendra pas au conseil national. Le maire du Mans, candidat malheureux au poste de premier secrétaire, regrette la stratégie du chef de son parti, Olivier Faure. Selon lui, Raphaël Glucksmann ne représente pas grand-chose loin de Paris. Un socialiste rétorque : «Aujourd'hui, à part Aubry, Cazeneuve ou Hidalgo, quel socialiste pèse en France ? Vous pensez que les gens se retournent dans la rue lorsqu'ils croisent Olivier Faure ?» Stéphane Le Foll peut s'appuyer sur Luc Carvounas. En 2018, lors du congrès du PS, le député du Val-de-Marne défendait une liste «arc-en-ciel», il militait pour le dépassement de son parti et pour des alliances avec les figures de la société civile, les écologistes et les communistes. Récemment, il a même proposé à Yannick Jadot de mener la liste socialiste. Mais certaines choses ne changent jamais. Au sein du PS, Luc Carvounas est un opposant à Olivier Faure, donc forcément l'alliance avec Place publique est une mauvaise idée.

Face aux reproches et aux coups qui pleuvent, Place publique et Olivier Faure ne sont pas seuls. Ils ont des alliés. Le premier secrétaire est convaincu d'avoir la majorité lors du vote de samedi au conseil national. Et quelques figures sont venues en renfort. On pense à la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui soutient publiquement la démarche de Raphaël Glucksmann depuis des semaines. Mais aussi la maire de Lille. Vendredi, Martine Aubry a tapoté sur Twitter : «La France va mal. L'Europe va mal. Tous ceux à gauche qui se battent pour une Europe sociale, écologique et démocratique doivent se rassembler derrière la candidature de Raphaël Glucksmann.» Un joli message. Mais on n'oublie pas que lors de la dernière présidentielle, toutes deux avaient soutenu contre vents, marées et trahisons Benoît Hamon. Avec le résultat que l'on connaît. Mais Place publique, comme les communistes, les écolos ou Génération·s, est persuadé de réaliser un bon score, de bousculer la hiérarchie et créer la surprise. A défaut d'union de toute la gauche, c'est l'union des songes.