Abdelkader Merah est-il complice des sept assassinats commis à Montauban et Toulouse les 11, 15 et 19 mars 2012 par son cadet Mohammed, «le tueur au scooter» ? A l'automne 2017, la question a agité cinq semaines de débats houleux devant la cour d'assises spéciale de Paris, composée de magistrats professionnels. A l'issue de ce premier grand procès du genre, l'accusé alors âgé de 35 ans a été reconnu coupable d'«association de malfaiteurs à caractère terroriste criminelle» et condamné à vingt ans de prison. En revanche, il a été acquitté sur le volet de la complicité d'assassinats.
T-Max
Dans un contexte tendu, son avocat, Eric Dupond-Moretti, avait salué une justice ayant résisté «à la pression de l'opinion publique», tandis qu'on évoquait, entre autres, «un jugement de Salomon» du côté des parties civiles. Très vite, le ministère public - qui avait requis la perpétuité - a interjeté appel du verdict, estimant que la Cour n'a «pas tiré toutes les conséquences juridiques des faits» exposés à l'audience. «La volonté du parquet s'explique aussi parce que ce procès préfigure d'autres dossiers de même nature qui seront jugés dans les prochains mois», développe Olivier Morice, avocat de la famille du caporal Mohamed Legouad, un des trois militaires tués par le terroriste.
Un an et demi plus tard, Abdelkader Merah et son co-accusé, Fettah Malki - condamné à quatorze ans de prison pour avoir fourni un gilet pare-balles et une arme à Mohammed Merah -, vont être rejugés à partir de ce lundi. En appel, les cartes sont entièrement rebattues : le procès se joue sur la totalité de la décision rendue. Par conséquent, développe Me Korchia, conseil de Samuel Sandler, qui a perdu son fils et deux petits-fils : «Nous espérons que la culpabilité d'Abdelkader Merah pour l'association de malfaiteurs terroriste sera de nouveau établie. Mais aussi qu'il y aura, cette fois, une analyse allant plus loin reconnaissant sa culpabilité pour complicité d'assassinats. Pendant tout le procès, on a dit que c'était une fratrie à l'œuvre dont le grand frère était l'idéologue. On ne peut pas plaider ça et ne pas aller au bout de la logique.»
En réalité, les preuves matérielles sont maigres pour étayer cette complicité. Comment démontrer qu’Abdelkader Merah est à l’origine de la connexion ayant servi à piéger sur le Bon Coin Imad Ibn Ziaten, la première victime ? Et peut-on considérer que sa participation au vol d’un scooter T-Max et à l’achat d’un blouson, utilisés par son frère lors des tueries, suffit à le rendre complice ?
Stratégie
Pour motiver leur décision, les cinq magistrats ont souligné que Mohammed Merah était «toujours seul» lors de ses crimes. Et même si Abdelkader Merah partageait les «motivations» de son frère, «aucun élément de la procédure» ne montrait qu'il avait connaissance des «objectifs visés» ou des «crimes commis».
Quant aux familles de victimes, elles affronteront une nouvelle fois de pénibles heures. En première instance, elles avaient été un peu rudoyées par la stratégie adoptée par Dupond-Moretti. Une défense de rupture tonitruante ponctuée de quelques incidents d'audience. Parmi les sorties notables, cette phrase au sujet de Zoulikha A. : «C'est la mère de l'accusé, mais c'est aussi la mère d'un mort !»
Aujourd'hui, les avocats des parties civiles, à l'instar de Me Morice, appellent à l'apaisement : «Si les familles n'attendent pas de ce procès une réhabilitation de la tragédie qu'elles ont vécue, nous souhaitons des débats beaucoup plus dignes et plus respectueux de chacune des parties.»