Le calme régnait, ce lundi matin, aux alentours de la salle Voltaire du palais de justice de Paris. Loin, très loin de l'atmosphère électrique qui avait marqué les débats du procès Merah à l'automne 2017. Durant quatre semaines, c'est ici que vont être rejugés Abdelkader Merah, frère de Mohammed, condamné à vingt ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, mais acquitté du chef de complicité des sept assassinats commis par son cadet en mars 2012. Ainsi que Fettah Malki, condamné à quatorze ans de réclusion criminelle pour avoir fourni au terroriste un gilet pare-balles et une arme automatique. Accompagnées de leurs avocats, les familles des victimes sont arrivées, une à une, dans une ambiance apaisée qu'elles avaient appelée de leurs vœux. Autour d'elles, caméras et micros sont moins nombreux qu'en première instance : à peine une centaine de journalistes sont accrédités, contre quelque 160 il y a un an et demi. Côté public aussi, l'affluence est moindre : plus besoin d'attendre ou de jouer des coudes pour espérer entrer à l'audience.
Il y a malgré tout comme un air de déjà-vu sous les dorures et les boiseries de la salle Voltaire. Les avocats de la défense et des nombreuses parties civiles (pas moins de 226) ont repris leurs places respectives, face à face. Les proches des victimes ont, eux, retrouvé les deux bancs qu'ils n'avaient pas quittés à l'automne 2017. Au premier rang, ceux des trois militaires tués à Toulouse et Montauban par le «tireur au scooter» : les familles Ibn Ziaten, Legouad et Chennouf. Juste derrière a pris place Samuel Sandler, le père de Jonathan et grand-père d'Arié et Gabriel, tués devant l'école juive Ozar-Hatorah, avec la petite Myriam Monsonego. Le septuagénaire est très vite rejoint par sa belle-fille Eva Sandler, veuve de Jonathan et mère des deux petits garçons qui avaient six et trois ans.
Marathon judiciaire
Tous se saluent, se serrent, soudés pour affronter ce nouveau marathon judiciaire. «Forcément, c'est difficile de revenir ici…», déclare lors d'une suspension d'audience une des sœurs du caporal Mohamed Legouad. «L'année passée a été très dure. C'est difficile de se remettre d'un procès comme celui-ci…» Radia Legouad aimerait que soit reconnue, cette fois, la complicité d'Abdelkader Merah dans les crimes de son frère. C'est pour les parties civiles tout l'enjeu de ce nouveau procès. Si la cour d'assises spéciale avait estimé dans son arrêt, en première instance, qu'«aucun élément de la procédure» ne montrait qu'Abdelkader Merah «connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère», le parquet, convaincu du contraire, avait interjeté appel.
Dans le box vitré des accusés, l'aîné Merah n'a presque pas changé. En chemise gris clair satinée, la silhouette massive a pris un peu d'embonpoint mais porte toujours son épais collier de barbe brune et ses longs cheveux. Cela fait «sept ans jour pour jour», note la présidente de la cour, que ce Franco-Algérien de 36 ans a été placé en détention provisoire. Plus frêle, son coaccusé Fettah Malki affiche un visage très marqué quand il ne baisse pas la tête vers le sol. Alors que la présidente Xavière Siméoni rappelle longuement les faits, retraçant le parcours mortifère de Mohammed Merah, le banc des parties civiles ne cille pas. Latifa Ibn Ziaten, la mère d'Imad, première victime du jihadiste toulousain, ne détache pas son regard embué du box des accusés.
Examen de personnalité
Dans l'après-midi, la cour s'est intéressée à la personnalité de Fettah Malki, ex-pizzaïolo et petit délinquant de droit commun. Mais avant d'entamer cet examen détaillé, Xavière Siméoni a tenu à s'adresser tout particulièrement aux familles. Pédagogue, la magistrate a rappelé : «Je sais que les parties civiles peuvent trouver que nous consacrons beaucoup de temps à l'examen de personnalité des accusés, mais je tiens à préciser que cet exercice est tout à fait indispensable, car il est nécessaire de mieux connaître les personnalités que nous avons à juger. […] C'est la garantie d'un procès équitable.» Et, comme si elle avait entendu les proches éprouvés, la présidente a assuré : «Je souhaite, le moment venu, que nous consacrions autant de temps aux personnalités des victimes qui ont perdu la vie.» Sur le banc des parties civiles, Samuel Sandler échange un léger regard, comme satisfait, avec sa voisine de gauche.