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Libération
Reportage

Première virée pour les premiers de cordée de l’union de la gauche

Les leaders de la liste Place publique-PS étaient en déplacement à Creil (Oise) lundi pour inaugurer leur campagne commune en vue des européennes de mai. Tout sourire, ils ont une nouvelle fois appelé Hamon et Jadot à se rassembler derrière eux.
Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique-PS, devant l’hôpital de Creil (Oise), lundi. Il était accompagné notamment d’Olivier Faure et Pierre Larrouturou. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 25 mars 2019 à 20h26

Premier déplacement en amoureux. Raphaël Glucksmann et Olivier Faure main dans la main à Creil (Oise). Le petit couple s’est baladé dans une école puis un hôpital avant d’échanger avec une poignée de militants en centre-ville. Pas encore de slogan ou d’affiches, mais après des semaines de tractations tendues en coulisses, la campagne des européennes est lancée pour Place publique et le Parti socialiste. Ils rêvent les yeux ouverts d’un score à deux chiffres. Et pour convaincre, le style compte. Raphaël Glucksmann a laissé de côté son look d’adolescent pour une petite chemise repassée et un manteau d’adulte sérieux.

Vent glacial

En début de journée, devant l'hôpital de la ville qui a perdu sa maternité et dont le service d'urgences est menacé, un membre de Place publique, guette Olivier Faure, Claire Nouvian et Raphaël Glucksmann avec un petit sourire en coin. «Parfois, le matin, je me réveille et je me dis que je fais campagne avec le PS. Je n'arrive pas à y croire, c'est fou. Normalement, c'était avec Hamon, pas avec le PS», explique-t-il. La tête de liste, lui, ne regarde plus trop en arrière. Face aux micros, aux caméras et à un vent glacial, Glucksmann récite sa leçon et défend les services publics : «Le débat ne peut pas se résumer simplement à pour ou contre l'Europe. Mais à quel type d'Europe souhaitons-nous, alors que nous traversons une crise sociale, territoriale.»

Près de lui, Olivier Faure boit ses paroles. «Le rassemblement est encore possible», estime-t-il. Il cite l'ancienne porte-parole de Génération·s, Aurore Lalucq, qui a abandonné Benoît Hamon pour la liste menée par Raphaël Glucksmann : «Lorsqu'elle dit que la division l'empêche de dormir, je comprends.» C'est sa manière d'expliquer que le match des européennes ne peut pas se résumer à un duel entre Emmanuel Macron et l'extrême droite. «Notre rassemblement est une alternative possible, crédible. Nous avons deux mois pour parler et convaincre tous ces gens, un à un, une à une, qu'on peut y arriver avec des mesures simples et concrètes», ajoute Glucksmann. Pour le moment, dans les sondages, la petite bande est au coude-à-coude avec Yannick Jadot et ses écolos, autour des 7 %. Pas bézef. Mais bon, à Creil, ils ont le sourire. Faure et Glucksmann marchent comme des premiers de la classe.

«Super cool»

En politique, la mort n'existe pas vraiment. Pierre Larrouturou peut en témoigner. L'ancien du Parti socialiste, passé par Europe Ecologie-les Verts avant de fonder Nouvelle Donne, est lui aussi en campagne. Son nom sera en cinquième position sur la liste menée par Glucksmann. Elle est loin l'année 2017, lorsqu'il a tenté de participer à la primaire de la gauche pour la présidentielle. Jean-Christophe Cambadélis, qui dirigeait alors le PS, avait jugé sa candidature «pas sérieuse». Aujourd'hui, Larrouturou revit - ça se voit sur son visage : Cambadélis n'est plus dans le paysage électoral. Entre l'hôpital et le parking, Larrouturou prévient : «Je suis en faveur du rassemblement, je ne sais pas à quel petit jeu jouent Hamon et Jadot, mais s'ils acceptent de nous rejoindre dans les jours à venir, je proposerai de reculer d'une ou deux places.» Trop sympa.

Dans la foulée, à la Faïencerie, le théâtre-cinéma de la ville, Larrouturou explique devant la poignée de militants : «Je connais Olivier Faure depuis des années ! Et à une époque, on s'était dit qu'on travaillerait ensemble pour tenter de sauver la gauche. Aujourd'hui, c'est chose faite.» Le premier secrétaire du PS lui rend la pareille avec un hochement de tête.

Cette alliance met également en lumière plusieurs personnages. La fondatrice de l'ONG Bloom, Claire Nouvian par exemple. Celle qui ne sera pas en position éligible sur la liste n'est pas du genre à jouer des coudes pour la photo ou sourire alors que tout va mal. Ses mots à elle ne figurent pas dans le répertoire socialiste. Au micro, ça donne : «On va se battre comme des chiens. Oui, comme des chiens ! Et on va se battre aux européennes et continuer. En 2022, lors de la présidentielle, on mettra une raclée à Le Pen !»

Olivier Faure se grille une clope à chaque pause. Le premier secrétaire du PS est soulagé. Il est plus léger depuis l'officialisation de cette alliance obtenue de haute lutte. Mais la pression ne s'éloigne jamais trop loin. Beaucoup de têtes socialistes, qui rêvent de le voir trébucher, rôdent autour de lui. «Si demain notre liste échoue, ils diront que c'est de ma faute, je ne me fais pas trop de soucis», souffle-t-il calmement. Heureusement pour lui, Faure peut compter sur Place publique. Les compliments pleuvent : «courageux», «loyal», «honnête». Des mots qui rappellent un épisode du passé. En 2017, lors de la présidentielle, Benoît Hamon et Yannick Jadot étaient en Bretagne pour leur premier déplacement commun. Des louanges à l'envi pour l'un et l'autre. La suite, tout le monde la connaît : une claque historique. Claire Nouvian, elle, s'en moque. Avant de se diriger vers la gare, on l'interroge sur la journée : «Je sais que, souvent en politique, les gens se font des sourires pour la photo et crachent sur le voisin la seconde d'après. Mais pour le moment, c'est super bien. Il y a une bonne ambiance. Franchement, on ne fait pas semblant de s'apprécier, et c'est super cool.»