Après les violents affrontements de lundi, le calme est revenu au Mans sur la place des Jacobins. Les heurts de la veille ont laissé place aux stands de distribution de barbe à papa et à des enfants tout sourire. Sans les quelques palets de bombes lacrymogènes qui jonchent les jardins alentour, rien ne semblerait indiquer que la place a été le théâtre de violents affrontements entre les forains et les forces de l'ordre. Au pied de la cathédrale Saint-Julien, les professionnels de la fête sont toujours présents et ont installé leurs camions. Mobilisés depuis maintenant plus d'une semaine pour assurer la pérennité de la fête foraine au Mans, ils protestent contre l'interdiction de s'implanter en centre-ville. Hors de question d'installer les manèges au Panorama, lieu plébiscité par la municipalité (qui y a investi la somme de 900 000 euros), trop excentré et peu visité selon eux. Malgré l'ultimatum lancé par Norman Bruch, leader syndical des forains, le maire a maintenu sa décision. Pour Stéphane Le Foll, la décision de changer le site de la fête foraine a été prise non pas pour «embêter les forains», mais pour permettre de «pérenniser les activités foraines sans pénaliser la ville».
«Opération escargot»
A la sortie des cours, des adolescents font la queue pour une friandise ou des churros. Sous l'œil vigilant des CRS postés en haut des escaliers de pierre qui surplombent la place. «On leur fait cadeau d'une pomme d'amour, mais certaines personnes veulent quand même nous donner de l'argent, ils nous soutiennent. Nous, de notre côté, on veut juste transmettre quelque chose», explique Anthony Lereteux, porte-parole des forains. Il assure que la colère ne faiblit pas. «Nous avons les mêmes problèmes que les petites entreprises normales. Nous n'avons pas de subvention, donc c'est marche ou crève. En nous installant au Panorama, ils veulent qu'on ait aucun client.» Selon lui, la profession dans son ensemble est en crise : «Nous sommes 65 familles concernées par cette décision de la mairie. Hier, nous avons fait une opération de blocage de 8 heures à 18 heures. Aujourd'hui c'était calme, mais demain [mercredi] on repartira en opération escargot.»
Aux alentours de 15 heures, Norman Bruch et d'autres collègues ont tenté de bloquer la ligne grande vitesse à bord de semi-remorques. Alertés, les gendarmes ont procédé à des contrôles d'identité et ont empêché les forains de se rendre sur les voies ferrées. «On ne lâchera rien, martèle le délégué syndical. On peut remercier monsieur Le Foll d'avoir lancé un mouvement national !» Pour Gladys, habitante du Mans, «il était important que cette journée soit calme. Surtout après les violences.»
«Insécurité»
Pour Stéphane Le Foll, la situation de lundi «est devenue extrêmement grave. Les gens sont venus casqués, avec des boucliers et des battes de baseball… On était dans une dimension que personne ne connaît ici. En mars 2018, la dernière fête foraine place des Jacobins s'est déroulée sous la présence des CRS. Il y a eu des heurts avec des bandes de jeunes de la ville, cela créait de l'insécurité. Je ne peux pas revenir sur la décision et prendre le risque de rencontrer les mêmes problèmes.»
Le maire de la ville assure avoir tout fait pour remettre à neuf le site du Panorama. «Le tramway ne desservait pas l'endroit alors on a fait mettre en place une navette gratuite. En novembre 2018, lors des vacances scolaires, il y avait du monde. L'endroit a accueilli 120 forains, ce qui est plus que les 65 familles présentes à l'origine place des Jacobins. Ces dernières ont déclaré avoir 50% de chiffres d'affaires en moins. Mais le gâteau s'est partagé.»
«Ça devrait bouger un peu»
Depuis plus de sept jours, différents axes de la ville sont coupés à la circulation. La journée de lundi a particulièrement pénalisé le centre-ville. Antonin, chauffeur de VTC, voit depuis une semaine ses trajets modifiés : «J'ai eu une cliente enceinte qui devait arriver au Mans à 10h30. Elle a passé six heures à attendre dans son train…» Particulièrement violents place des Jacobins, les affrontements de la veille ont également eu lieu aux abords d'un rond-point dans le nord de la ville. «J'entendais les détonations depuis la gare, atteste le chauffeur. Les policiers ont été pris au dépourvu mais je doute que l'issue soit favorable aux forains. Nous avons un maire qui se réfugie dans sa fonction.»
A la terrasse du café du square, les forains l'affirment, une nouvelle journée d'action se tiendra jeudi. «Nous attendons des collègues du Sud, de Bordeaux et de Marseille. Ça devrait bouger un peu.» Ils envisageaient aussi, en fin d'après-midi, de tenter de pénétrer sur le circuit des 24 Heures du Mans.