Nicolas Foureur, médecin à l’AP-HP, est secrétaire de l’association Vieux et chez soi, qui milite pour une autre façon de concevoir un accompagnement de la grande vieillesse. Elle fait également un travail pilote de recherche autour des histoires de chacun pour recueillir la parole et le souhait des personnes âgées.
Le maintien à domicile est-il la panacée pour la grande vieillesse ?
A la lecture du rapport et de cette consultation nationale, on retrouve ce à quoi nous sommes confrontés, à savoir le souhait affiché de rester chez soi et de ne pas aller dans les Ehpad. Mais après, comment faire ? Aujourd’hui, on ne sait pas décliner cette envie et la mettre en pratique, à part bien sûr y consacrer plus de moyens financiers. Mais cela ne peut pas être le seul levier.
Quels sont les autres leviers ?
Ce que l’on voit dans nos travaux, c’est que la perte d’autonomie n’est pas simple. Ce que nous disent les vieux, c’est qu’il n’y a pas que la dépendance qui est lourde, il faut subir en plus l’aide liée à la dépendance. Supporter d’être assisté n’est pas facile.
Nous avons eu l’histoire d’une personne de 103 ans. Le médecin a évalué sa situation, il a prévu des aides. Mais cette femme a une ferme volonté : elle ne veut pas dépendre d’autrui pour son quotidien. C’est quelque chose d’important à comprendre. Comment établir une relation forte qui ne soit pas pesante pour le vieux ?
Rester chez soi signifie-t-il toujours rester dans ses murs ?
Dans tous nos témoignages, ce qui revient, c’est le souhait de rester soi-même, d’être fidèle à soi, à sa vie et à ses choix. Une chercheuse suisse avait mis en avant que, face à la perte d’autonomie, la crainte première était un risque existentiel, celui de ne plus être soi. Rester chez soi, c’est-à-dire dans ses murs, peut être une façon d’y répondre. Mais ce n’est pas la seule. Le problème est qu’aujourd’hui, dans les Ehpad, il est difficile pour le résident de conserver cette intégrité propre.
Mais alors que faire ? Que privilégier ?
Dans la grande dépendance, le premier souhait de la personne est paradoxalement de se rendre compte le moins possible de cette dépendance. C’est peut-être un vœu pieux, mais c’est aussi cela l’enjeu : aider sans être lourd, en laissant toute la place à la personne.
En même temps, on va demander aux auxiliaires de vie de ne pas prendre de risques, de protéger à tous crins la personne contre les chutes, les fausses routes, les oublis. On veut même la protéger contre elle-même. Cette balance entre l’autonomie de la personne et sa sécurité penche trop souvent du côté de la sécurité.
Je pense à un monsieur de 90 ans vivant dans un immeuble depuis cinquante ans. Pendant des années, il s’occupait du syndic. Son risque ou sa crainte pour l’avenir, ce sont les trois marches en bas de l’immeuble. Il n’ose pas aborder la question, estimant que les autres vont être opposés à des travaux. Revendiquer, ce n’est pas simple quand on est vieux. Souvent, ils ont envie d’avoir la paix.