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Redevance télé : nouvelle passe d’armes au gouvernement

Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a réitéré ce lundi matin sa volonté de supprimer cet impôt aujourd’hui prélevé en même temps que la taxe d’habitation. Son collègue à la Culture, Franck Riester, ne veut pas en entendre parler.
Franck Riester, le ministre de la Culture, et Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, le 20 février à Paris. (LUDOVIC MARIN/Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 1er avril 2019 à 16h18

Voici donc la première baston de printemps au sein du gouvernement. D’un côté, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui ressort l’idée de «supprimer» la contribution sur l’audiovisuel public, la fameuse «redevance télé». De l’autre, son collègue de la Culture, Franck Riester, pour qui cet impôt à 3,9 milliards d’euros et qui finance la quasi-totalité des budgets de France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde (RFI, France 24…), l’INA et TV5 Monde, doit être absolument préservé.

Après une première salve en fin de semaine dernière contre cet «impôt dépassé», Darmanin en a remis une couche ce lundi sur France Inter : «S'il y avait un impôt à supprimer, ça pourrait être la redevance télé», a déclaré l'élu de Tourcoing, listant au passage les raisons pour lesquelles il faudrait en finir. Comme la contribution à l'audiovisuel public est «attachée à la taxe d'habitation», rappelle Darmanin, il y aura tout d'abord un «problème technique» pour la percevoir lorsque cette dernière aura disparu d'ici 2021 : «C'est un impôt qui coûte – si j'ose dire – aux Français 139 euros pour un petit peu moins de 30 millions de contribuables, a-t-il justifié lundi. On aura un problème pour l'envoyer.»

«Ma question n’est pas l’audiovisuel»

Mais la vraie raison est politique : en prévision du budget 2020, le ministre des Comptes publics aimerait bien trouver quelques petits impôts à baisser en échange d'économies. Surtout s'ils concernent directement – ce qu'il n'a pas manqué de relever – «les personnes âgées», très mécontentes d'Emmanuel Macron depuis qu'il a augmenté leur taux de CSG début 2018 et qui sont très assidues lors des échéances électorales. Et notamment aux municipales : les prochaines auront lieu en 2020… et intéressent particulièrement Darmanin.

Des propositions formulées en tant que simple «citoyen», avait déjà tenté de minimiser, la veille, son collègue Franck Riester : «C'est le ministre de la Culture qui est en charge de la réforme audiovisuelle», a-t-il insisté dimanche sur France 3 : «La question, c'est de savoir si on a besoin d'un service public de l'audiovisuel dans notre pays, et la réponse pour moi est oui, trois fois oui […]. Il faut le financer, la question c'est d'avoir un financement qui soit à la hauteur des besoins, qui soit pérenne et qui garantisse l'indépendance de l'audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique.»

«Ma question n'est pas du point de vue de l'audiovisuel, parce que dans ces cas-là, moi je ne baisse jamais les impôts, a rétorqué Darmanin sur France Inter. Bien sûr qu'il faut garder à l'audiovisuel public des moyens très importants et pérennes [mais] ce n'est pas parce que vous avez une taxe affectée que vous avez plus de moyens pérennes.»

Exit l’idée d'«universaliser» la redevance ?

Lundi, plusieurs organisations professionnelles de l'audiovisuel et du cinéma ont critiqué cette volonté du ministre des Comptes publics de supprimer la redevance télé. Dénonçant une «réponse technocratique, simpliste et démagogique», elles s'inquiètent notamment de «l'indépendance des services publics, notamment en matière d'information et de création» et rappellent que, jusqu'ici, la plupart des propositions parlementaires en la matière tendaient plutôt à «étendre l'assiette de la redevance pour tenir compte des nouveaux usages» : «La contribution à l'audiovisuel public est aujourd'hui déconnectée des usages et des modes d'accès au service public», expliquent ces organisations professionnelles, qui plaident pour «une contribution universelle, affectée de façon pérenne au service public». En octobre, Aurore Bergé, députée LREM des Yvelines, proposait ainsi d'«universaliser l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, par le biais d'une contribution forfaitaire par foyer».

Cette option n’est en tout cas pas du tout du goût de Darmanin : «Je ne suis pas pour qu’on change la nature de la taxe et qu’on taxe autre chose. Je suis pour qu’on supprime des impôts, […] et qu’on fasse des crédits budgétaires à la place. ça veut dire effectivement qu’il faut faire des économies pour donner à l’audiovisuel public.» L’enjeu est vital pour ce service public : à titre d’exemple, en 2019, France Télévisions recevra 2,5 milliards d’euros de l’Etat (près de 90% de son budget) et Radio France plus de 600 millions (soit la quasi-totalité de ses ressources).